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Critique de EvlyneLeraut


Aérien, cerf-volant en plein ciel des années 60, « Les dessous » est un récit kaléidoscope d'une époque. Chevelure d'une jeune adolescente de 14 ans, Elisabeth, (Eli) mais pas que. A tiroirs, la trame affirme l'intériorité, linge plié au carré, émois, secrets enfouis. Elisabeth se recroqueville. Son amie Thérèse est décédée. Son double, gémellaire, confidente-soeur. « Pour aller au cimetière, il faut mettre un joli petit bout de robe pour que tu ressembles à quelque chose. Et pas de fleurs. Les fleurs, c'est pour les morts, pas pour toi. » Sa mère est aride, dure, implacable et belle. Rivée sur les monts des existences difficiles, sentiments noyés par un trop plein d'exigences et de labeur. Dans le Café-Tabac le Central, les paroles s'échappent, vides de retenues. Verres brisés, larmes cachées, l'amertume bue. Qu'est-il arrivé à Thérèse ? « Quand je dis qu'on pouvait s'y attendre. Je dis simplement qu'avoir grandi dans cette maison aura fini par lui donner des idées, se justifie Marie. » « Tel père, telle fille, l'hérédité je vous dis, tranche Victor. » le temps s'arrête. L'évènement implacable aimante les jours. Plus rien ne peut advenir que le silence d'une pendule arrêtée à l'ultime. Béatrice Kahn conte la gravité, les ressentis, d'un village perturbé par cette disparition. Elisabeth cherche ce qui ne se nomme pas, ne se perçoit pas. « Thérèse dessine sur mon front des figures avec des mots. Je dois deviner… Qu'y a-t-il derrière ce front ? Eli, ma soeur ou une partie de mon coeur ? » Enfant achevée dans les embruns des rappels. Elisabeth est dans la chambre de Thérèse. Pas de pathos. La dignité est là, c'est juste ce moment de passation des vêtements, symboles de vie à retenir. Mais dans ce temps difficile Elisabeth tient en main le cahier de Henriette Nogatz, arraché des silences, confidences à apprendre pour renaître à la lumière. Dans cette transmission des existences, des meurtrissures, se joue l'avenir d'Elisabeth. Lire à voix haute ce journal donné par Marie, ce qui fût et reste sur les rives, les conséquences et l'entrelac salvateur des rencontres adolescentes. Henriette, Thérèse, Elisabeth. Plus que cela, ce journal intime détient la clef. Et là, lorsque vous saurez, tout changera pour vous lecteur. L'écriture de Béatrice Kahn est puissante, réèlle, douce et si affirmée de justesse que nous sommes en transmutation dans ce dire vrai. Ce récit est émouvant, tremblant. On retient les habitus, les troubles, l'innocence des premiers instants, la gravité des gestes qui osent se surpasser. L'entrechoc des enfants qui s'élèvent dans la pureté brève des émois. Ce qui advient en page finale. Ce qui rejoint les espaces plausibles. Les raisons assassines et les regards farandoles, la beauté d'une contemporanéité dans son expression la plus affûtée. « Les dessous » est un livre nécessaire, un avènement. Un point dans le cercle générationnel. le tracé des vies qui s'enlacent. Ce qu'il faut cacher. Journal délivrance. La parole qui assigne à l'envol. le choc des identités, murailles gorgées de lierres qu'on ne retire qu'au summum des sincérités. Publié par les Editions Esperluète « Les dessous » de Béatrice Kahn est en lice pour le Prix Hors Concours et c'est une grande chance.
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