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Critique de Seijoliver


La bataille d'Iwo Jima nous est peu connu, et pour cause : il me semble que pour nous européens, les grandes batailles de la seconde guerre mondiale ont pour nom ou pour cadre notre continent : Stalingrad, le débarquement de juin 44, la bataille d'Angleterre ou des Ardennes etc.
Pourtant l'un des plus célèbres monuments militaires des Etats-Unis, le Mémorial du corps des Marines des États-Unis, est la reproduction d'une photo prise sur l'île Iwo Jima lors de l'assaut américain de février 1945.

Cette île a été le cadre de la plus sanglante bataille opposant japonais et américains. de fait son importance historique et sa place dans l'imaginaire collectif, sont énormes pour ses deux pays. L'île conquise par les américains est d'une part, le premier territoire japonais où l'armée américaine plante son drapeau, d'autre part elle ne sera rendue au Japon qu'en 1968. Des fouilles y sont toujours effectué pour retrouver des ossements de soldats japonais morts : ont été mis hors de combat (morts, blessés ou disparus), environ 22000 japonais et 26500 américains !

Au coeur de ce livre documentaire il y a les lettres de soldats japonais et, essentiellement celle du général Tadamichi Kuribayashi.
Le récit de Kumiko Kakehashi est construit autour de la prise de commandement de ce général sur l'île en juin 1944, jusqu'à la conquête par l'armée américaine en mars 1945. Elle dresse un portrait très construit et documenté de ce militaire, qui est un homme hors du commun. Hors du commun des militaires de l'armée impériale de son époque, et dont la résistance sur Iwo Jima en fera un soldat respecté par les militaires étasuniens.
C'est un homme formé classiquement par les institutions militaires japonaises mais qui dans les années 20 part en mission d'étude en Amérique. Il est fasciné, et comprend vite la puissance, et par conséquence l'absurdité qu'il y aura à défier et à attaquer « ce pays qu'il désire le moins combattre » (P. 143).
Lucide et intelligent, il comprend très vite l'inutilité de défendre cette île par les moyens habituels (une résistance frontale) et prépare une stratégie visant à tenir le plus longtemps possible en menant une guerre d'usure (il aura fait construire pour cela un réseau de tunnels et de galeries).
L'état-major ne le comprend pas, mais les évènements lui donneront amplement raison : il faudra plus d'un mois pour que l'île soit – quasi – entièrement conquise. Même les américains sont surpris que les japonais n'aient pas utilisé leur méthode habituelle : une attaque « banzaï », soit une attaque frontale, certes impressionnante mais stratégiquement nulle et inefficace qui permettait aux américains de laminer « sur-le-champs les forces du camp japonais » via leur puissance de feu, attaque qui ressemblait plus à une « débandade » (p. 135).
De même, il refuse à son armée de mourir « héroïquement » (cf charge suicide) : « Kuribayashi était un militaire prêt à se sacrifier non pas pour l'esthétique, mais pour le sens même du combat. Sur le champs de bataille extrême qu'est Iwo Jima, son comportement, puis le genre de mort qu'il choisit, ont aussi mis en évidence la vacuité de la philosophie professée par les autorités militaires japonaises » (p. 228). Sur le terrain, il soutient et encourage ses hommes, et montre l'exemple (pas de traitement de faveur pour les officier ou lui-même) sur cette île où la vie est difficile surtout parce qu'il n'y a pas de source d'eau. Celle qui est utilisée vient de la pluie !

L'auteur cite de nombreux ouvrages, et a rencontré des membres de la famille de Kuribayashi. Par ailleurs, les lettres abondamment citées, et qui sont bien sûr une ressource extraordinaire pour les historiens qui étudient cette bataille, sa préparation et son déroulement, montrent aussi un homme bienveillant pour sa femme et sa famille à qui il pense et écrit : il s'inquiète de leur vie, pressent les dangers qui guettent Tokyo (cf le raid que connaît la ville en mars 1945) où sa famille réside. Lucide, il l'est toujours parce qu'il sait, depuis son affectation, qu'il n'en reviendra pas…
« Chaque jour où je suis encore en vie est une joie, je suis parfaitement résigné au fait que mon existence est sans lendemain et tout ce que je souhaite c'est que vous, au moins, vous puissiez vivre longtemps et heureux. » (lettre de Kuribayashi à sa femme, du 25 août 1944).
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