AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Cigale17


Le pays où les arbres n'ont pas d'ombre est le troisième roman de cette auteure française née en Estonie. Katerina Kalda nous entraîne dans un pays d'une inquiétante étrangeté… le lecteur n'a pas de repères temporels ni géographiques. On suppose dès les premières pages qu'une catastrophe quelconque a eu lieu, probablement une catastrophe écologique, et on sait rapidement que l'histoire se situe après la guerre des Séparatistes sur laquelle nous n'apprendrons rien d'autre que son nom.


Trois femmes prendront successivement la parole à la première personne : d'abord Marie, une jeune fille qui n'a pas tout-à-fait quinze ans ; puis Sabine, sa grand-mère, qui tient un journal de manière très irrégulière ; enfin Astrid, la fille de Sabine et la mère de Marie, emplie du souvenir d'un amour disparu. le récit est déroutant de prime abord parce que les trois femmes interviennent sur un plan temporel différent : Marie a 14 ans, mais dans le journal de Sabine, c'est un bébé. le décalage temporel entre les trois interventions permet d'avoir des points de vue différents sur les mêmes événements et donne du relief aux personnalités des trois femmes : Sabine l'indestructible pragmatique, Marie la novice en colère et Astrid la fragile naïve.


Elles vivent dans un petit appartement, dans la Plaine, hors de la Ville où résident des privilégiés. Toutes les trois ont été « déplacées » on ne sait trop pourquoi au début, mais si on considère les conditions de vie dans la Plaine, il s'agit d'une punition. Les habitants de la Plaine travaillent sans relâche pour ceux de la Ville : en fait, la Ville, riche, produit des monceaux de déchets qui sont envoyés dans la Plaine et celle-ci lui renvoie des denrées consommables ! Il y a pire cependant… Des gens encore plus mal lotis vivent dans la zone périphérique, d'autres dans la zone toxique.


J'ai beaucoup aimé ce roman âpre et dérangeant qui m'a fait penser à 1984, évidemment, mais aussi au Voyage d'Anna Blume. Certaines métaphores m'ont semblé particulièrement intéressantes : le recyclage des ordures des riches par les pauvres ; l'usine dévoratrice dans laquelle plus on vieillit, plus on s'enfonce ; les enfants abandonnés qui deviennent les surveillants dans les usines, la serre de Sabine lieu d'un possible renouveau, etc. le parallèle avec la situation d'aujourd'hui est tellement évident que l'effrayante possibilité de ce type d'avenir pour notre monde devient plausible… le style et la langue sont magnifiques de précision et de clarté. Je me sens obligée de limiter mes citations : j'en ai noté une vingtaine !


Lu dans le cadre du prix des Lecteurs de Cognac 2018
Commenter  J’apprécie          60



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}