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Critique de Apoapo


Tous ceux qui ont un jour séjourné dans un pays dans lequel les langues qu'ils connaissent n'ont pas du tout cours, ceux qui au moins une nuit ont fait le cauchemar de se retrouver involontairement dans un lieu inconnu en situation d'incommunicabilité absolue, ceux dont la survie a dépendu de l'apprentissage en autodidacte de la langue complètement obscure d'un entourage relativement hostile, ceux qui, tout en ayant une formation de linguiste, ont fait l'expérience de l'inutilité de leur savoir et de la nullité de leurs compétences face à un nouvel idiome, nous tous découvrons en Budaï un proche, reconnaissons dans son récit quelques aspects d'un vécu et d'un ressenti communs.
On peut s'attarder sur au moins trois lectures de ce roman culte de la littérature hongroise, dont l'auteur est peut-être davantage connu dans son pays comme sportif de haut niveau et assurément davantage comme fils d'écrivain que comme écrivain lui-même. D'abord, on s'intéresse au personnage de Budaï, considérant l'équilibre très juste entre la description de son flux de conscience, de ses divagations de linguiste sans succès et d'homme en détresse, et la narration de ses péripéties. Parmi celles-ci comptent autant son étrange relation avec le personnage féminin dont le prénom toujours varié est éponyme du livre, que sa participation à une émeute, un soulèvement armé, peut-être une action révolutionnaire qui constitue le point culminant et terminal du roman.
Deuxièmement, on peut émettre des hypothèses sur la nature du régime politique de la métropole surpeuplée et chaotique dans laquelle Budaï est échu, sur les rapports sociaux qui y règnent, sur sa violence, ses distorsions communicatives et déficits démocratiques qui, à l'évidence, ne concernent pas uniquement l'étranger réduit au silence qu'il est. Métaphore d'un totalitarisme de l'anonymat et de l'anomie ?
Troisièmement, on peut dire un mot sur le style : je trouve là aussi qu'il y a un équilibre très habile entre l'humour venant de l'hyperbole – la situation cocasse de l'homme qui échoue sans cesse en se réduisant au plus bas, et dont le lecteur ne peut même pas se consoler en pensant qu'il aurait su agir de manière plus perspicace – et le tragique de cette même situation, dans la mesure où il est évident que chacune des péripéties du protagoniste est l'emblème de désolations caractéristiques de notre contemporanéité : ainsi de sa visite aux abattoirs industriels, au bordel, au parc d'attractions, de son ascension à la lanterne d'une basilique, ainsi que de sa descente aux enfers de la cellule de prison, aux halles – lieu de labeur et de refuge sans domicile, enfin sous le feu des armes dans un parking multi-étages assiégé. La mesure du temps se fait par l'érection des étages d'une gratte-ciel en construction ; le personnage féminin officie comme préposée à l'un des ascenseurs de l'hôtel...
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