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Critique de JeanPierreV


Un linguiste, Budaï se rendant à un congrès à Helsinki, s'endort dans l'avion. A son réveil il se retrouve dans une ville inconnue. Qu s'est-il passé…comment a-t-il pu se tromper? Un car le transporte sans ses bagages dans un hôtel…Malgré toutes ses connaissances linguistiques, il ne comprend pas ni la langue, ni l'écriture de ce pays inconnu, et n'est compris de personne. Aucun des employés d'accueil de l'hôtel ne comprend les langues traditionnelles, anglais, allemand, russe, français….ni même le grec ancien qu'il parle. On lui donne malgré tout une chambre, et en échange de son passeport et d'un chèque de voyage il reçoit des billets de banque et des pièces de monnaie du pays, dont il ne comprend pas la valeur …Même en mimant une locomotive ou un avion, même en les dessinant, il n'arrive pas à se faire comprendre…et il ne reçoit en réponse que des « Chérédérébéré todidi hodové gurubulu…tébépé«

« Il n'a toujours pas perdu confiance dans sa capacité de raisonnement, il pense que s'il fait traverser par son cerveau, en bon ordre, minutieusement, tout ce qui lui est arrivé là depuis sa descente de l'avion et son transport en ville par le bus, quelque chose devrait forcément en émaner, comme le résultat final au bas d'une longue colonne d'addition ». Aussi, progressivement sa culture de linguiste, ses déductions face à des plans, l'étude d'annuaires de téléphone, de publicités, des billet de banque, de sa facture d'hôtel, d'enseignes de magasin lui permettront de se repérer dans cette ville sans toutefois pouvoir en trouver la porte de sortie, mais jamais, malgré son attention, il ne pourra comprendre la logique de cette langue. Il en arrive même à se demander si les habitants se comprennent les uns les autres : « autant de personnes, autant de langages? ».
Une ville sombre triste ressemblant un peu à ces villes de ces pays de l'Est des années 50-60, à la Chine communiste : « gens des deux sexes, habillés en marron, une salopette dépourvue de signe particulier, en drap épais, avec une vareuse d'artisan du même tissu, est-ce parce que c'est pratique ou bien parce qu'ils sont tous membres d'une organisation quelconque?”, longues queues partout, aux guichets de l'hôtel, dans les cabines de téléphone, pour accéder aux commerces alimentaires…ou aux églises, nourriture insipide et sucrée…police…mais aussi bousculades, voitures et même répressions policière et militaire…
Personne ne fait attention à lui, il est bousculé en ville, malgré ses « ses gesticulations de sourd-muet. Jamais personne n'a pris le temps de l'écouter depuis son arrivée, personne ne lui a permis de nouer une quelconque relation humaine. Sauf peut-être une seule… »
Son argent file vite….et il va devoir trouver des moyens pour continuer à vivre, et en attendant une solution, il va perdre tous ses repères d'homme lettré, devenir sauvage,…mais je n'en dirai pas plus…
Je ne connaissais pas cet auteur, la littérature hongroise est relativement méconnue. Ferenc Karenthy a publié en 1970 ce roman étonnant, cette fable, qui ne peut manquer de nous interroger, cette fable dont les lectures sont nombreuses.
Le lecteur ne peut que s'interroger …Et si je « débarquais à l'improviste » en Corée du Nord où personne ne parle une langue occidentale, ne serais je pas un peu ce Budaï ? Ne sommes-nous pas face à ces émigrés ayant d'autres cultures, d'autres langues, d'autres écritures, un peu comme ces habitants de ce pays qui marchent sans voir cet étranger qu'est Budaï ?
Ne sommes nous pas également comparables aux habitants de ce pays imaginaire quand nous courrons toujours – après quoi du reste? – toujours dans nos bagnoles, dans notre petit cercle sans nous occuper des gens que nous croisons ….
Un roman sur l'incommunicabilité entre les hommes, sur l'identité…..acceptons nous les différences, que faisons-nous pour faire un pas vers l'autre? Acceptons nous les SDF, les voyons nous? Quelles que soient les sociétés, entendent-elles les citoyens? Toutes ont leurs exclus, leurs marginaux !
Compte tenu de la personnalité de l'auteur, de sa nationalité, de la date de parution de cet ouvrage, chacun pourra y voir également une description du régime hongrois, sous le joug soviétique depuis 1956 …jusqu'à la description de insurrection matée par l'armée russe. Un régime et un système politique qui interdisaient la sortie du territoire, l'ouverture vers d'autres pays…et même l'ouverture vers des idées neuves, l'ouverture d'esprit. Ces pays totalitaires fermés à toute culture étrangère…
Un roman qui mérite d'être connu dans la veine de « 1984 » d'Orwell, de « 2084 » de Sansal, du « Procès » de Kafka
Je sais que ce livre restera dans ma mémoire, qu'il fera partie des ouvrages que j'aurai envie de relire…
Un livre que j'ai plaisir à partager…
Lien : http://mesbelleslectures.com..
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