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Critique de HundredDreams


Toutes les rencontres que nous faisons, rencontres avec les livres, les auteurs et les lecteurs nous entrainent parfois vers des chemins inexplorés jusque-là.
Pour la première fois de ma vie, je me suis promenée dans le rayon poésie de ma librairie.
Je cherchais deux recueils en particulier que bien sûr, je n'ai pas trouvés, tellement ce rayon est peu achalandé, je dirais même très pauvre.
Par contre, mon regard a été attiré par une couverture couleur soleil et intriguée, j'ai commencé à lire quelques pages de ce recueil d'une auteure qui m'était jusqu'alors, inconnue.
Voici comment il débute :

« au dernier jour de l'amour
mon coeur s'est cassé en deux dans mon corps
J'ai passé toute la nuit
à jeter des sorts pour te faire revenir
j'ai tendu la main vers le dernier bouquet de fleurs
que tu m'as offert
elles se fanaient dans leur vase
une
à
une
j'ai arraché leurs têtes
et je les ai croquées »

Structuré en cinq chapitres et illustré par la poétesse canadienne Rupi Kaur elle-même, « le soleil et ses fleurs » m'a touchée par la délicatesse et la douceur de l'écriture pour parler de sujets graves, de douleurs profondes. Telle une fleur, l'auteure se recroqueville, se fane, tombe, pourrit, renaît, s'enracine, se redresse et refleurit.

Ce qui m'a frappée, c'est la simplicité de ces poèmes en vers libres, sans majuscule, sans ponctuation, qui s'assemblent pour n'en former qu'un seul de 248 pages. Les mots d'une justesse et d'une beauté profonde m'ont bouleversée.

*
J'ai tourné les premières pages et ce n'est pas le soleil qui est venue à moi
c'est toi
avec ta douleur
ton coeur en miettes
brisé
déchiré
tes larmes qui ruissellent sur ton corps abandonné
meurtri

à quoi ressemble l'amour
est-ce qu'il prend et ne rend pas
est-ce qu'il aspire
dévore
épuise
et nous abandonne
décharné et moribond

« et puis il y a les jours où le simple fait de respirer t'épuise. où il semble plus facile de renoncer à cette vie. l'idée de disparaître t'apporte de la paix. j'ai été plongée si longtemps dans un endroit où il n'y avait pas de soleil. où il ne poussait aucune fleur. mais de temps en temps quelque chose que j'aimais émergeait de la nuit et me ramenait à la vie. »

je t'ai imaginée
fleur fragile et délicate
seule, battue
pliant sous les assauts d'un vent violent

mais néanmoins résistante
courageuse
te relevant encore plus forte
prête à affronter de nouvelles tempêtes

« il n'y a plus de quoi
s'inquiéter
le soleil et les fleurs sont là. »

*
L'auteure compose ses poèmes comme une fleuriste arrangeant une composition florale unique, choisissant ses fleurs en fonction de ses émotions et de ses sentiments.
Si la gentiane, symbole de souffrance en amour, prédomine, l'auteure agrémente son bouquet d'autres nuances colorées, de soucis, d'anémones, de bruyère et de roses rouges pour évoquer le chagrin, l'abandon, la force et l'amour passionnel.

Ses poèmes explorent l'amour et ses revers :
l'amour de soi, la haine de soi,
l'amour des autres, la haine des autres.
Elle n'hésite pas à évoquer, avec des mots percutants, poignants, parfois crus, des détails de sa vie, évoquant des sujets très intimes inhérents à des violences qu'elle a subies.
Violences physiques, sexuelles, psychologiques.
Elle parle aussi de relation toxique, de dépendance affective, de rupture, de blessure, mais aussi de résilience, d'émancipation et de guérison.

« pour guérir
tu dois
aller à la racine
de la blessure
et l'embrasser
en remontant le long de la tige »

Aussi audacieuse que courageuse, la poésie de Rupy Kaur reflète la dualité entre la raison et ses émotions, ses désirs.
Entre elle et lui, ne cessent de se bousculer des forces contradictoires :
l'amour et la répulsion,
la joie et la douleur,
la lumière et l'obscurité,
le courage et le renoncement,
l'acceptation et le rejet,
la confiance et la peur.

*
Dans un tout autre registre, l'auteure évoque sa famille, et à travers elle, l'immigration, l'importance de rester fidèle à ses racines et à ses origines, l'importance de l'éducation et de l'instruction et la chance de vivre libre.

« c'est la recette de la vie
disait ma mère
lorsqu'elle me tenait dans ses bras quand je pleurais
pense à ces fleurs que tu plantes
dans le jardin chaque année
elles vont t'apprendre
que les gens eux aussi
doivent se faner
tomber
pourrir
se redresser
pour fleurir. »

Beaucoup de poèmes s'enrichissent des dessins de l'auteure, quelques traits esquissés avec élégance qui offrent un miroir à ses émotions.

*
Ces poèmes sont souvent tristes, sombres, douloureux, emprunts de solitude, mais ne dit-on pas qu'après la pluie vient le beau temps ?

« je relie les jours heureux et les place dans ma poche arrière en sécurité. gratte une allumette. brûle l'inutile. la lumière du feu réchauffe mes orteils. je me verse un verre d'eau chaude pour me nettoyer à l'aube de janvier. j'embarque. pour le nouveau. plus forte et plus sage. »
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