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Critique de Lazlo23


Considéré en Afrique comme un classique, Les soleils des indépendances de l'écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma (1927-2003), raconte une descente aux enfers : celle de Fama, dernier représentant d'une lignée princière que le colonialisme, puis l'indépendance ont pratiquement réduit à la mendicité. Comme celui de Dante, cet enfer tropical a ses différents cercles (social, conjugal, culturel, politique…), que le pauvre Fama parcourt l'un après l'autre, jusqu'à sa déchéance finale.

En toile de fond, un pays d'Afrique livré à la griffe d'un dictateur, où l'on peut écoper de vingt ans de prison simplement pour avoir rêvé d'un opposant au régime, et puis se retrouver libre du jour au lendemain, sans aucune raison particulière. Un pays où l'allégeance servile (et obligatoire) au parti unique est en passe d'anéantir toute la richesse des sociétés traditionnelles.
Attention, l'auteur est aussi sans concession envers ces dernières, qui excisent les petites filles et les transforment en esclaves, dès le lendemain de leur mariage.

Tout cela pourrait sembler d'un pessimisme absolu sans la verdeur, l'humour et l'inépuisable inventivité verbale d' Ahmadou Kourouma. On songe, en le lisant, au réalisme magique de l'Automne du patriarche, de Garcia Marquez, ou aux premiers romans d'Édouard Glissant, publiés à peu près à la même époque.
Si Kourouma choisit d'écrire en français, ce n'est pas, on le devine, pour refaire du Bossuet. Tordant joyeusement le cou à la syntaxe et au vocabulaire français, il les pare au passage de rythmes, de sonorités et d'images nouvelles – sans que cela cesse pour autant d'être du français, et même du très bon.
Au fil de ces pages, on a parfois l'impression, d'être assis à l'ombre d'un fromager et d'écouter le palabre quotidien du village dont Fama est le prince : il y est question de religion, de politique, de prédictions, voire de scatologie, le tout constamment émaillé de proverbes souvent très drôles.
C'est ainsi qu'on apprend qu' « en politique, le vrai et le faux portent le même pagne », qu' « on ne rassemble pas des oiseaux quand on craint le bruit des ailes » ou bien encore qu'« à renifler avec discrétion le pet de l'effronté, il vous juge sans nez. »

Une livre passionnant.
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