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Critique de emmyne


Lecture particulière, fascinante. J'ai découvert Sigismund Krzyzanowski ( 1887-1950 ) par un heureux papillonnage en librairie devant les rayonnages consacrés à la littérature russe. Tiens, du bleu Verdier parmi le jaune de l'éditeur. Curieuse. Et charmée par cette couverture cartonnée, ces pages épaisses, ce titre et une quatrième qui me raconte qu'il s'agit d'un ouvrage de non-fiction d'un auteur négligé et inclassable, moscovite d'adoption, arpenteur infatigable, [ qui ] déchiffre pour nous la ville-livre, ce condensé du monde qui est un des fondements de sa prose. Alors oui, et pourquoi pas ? J'adore les rencontres impromptues. C'est même exactement ce que j'espère. Ainsi donc, la rencontre se déroule hors fiction, elle se confirme littéraire, parfois exigeante, prenante.

Ce livre se compose de trois parties, trois regards sur Moscou, trois temps. Les deux premières, complémentaires, furent publiées du vivant de l'auteur en 1925.

La première partie est celle du titre, celle qui l'explique : Treize lettres à un ami de province, une correspondance dont nous ne lisons que les envois du rédacteur moscovite d'adoption qui tente de décrire la ville à cet ami. Plus que décrire, cet homme, ce drôle de type qui cherche à comprendre où il est, l'explore durant deux années, essaie de la saisir dans tous les sens du terme. Ce sont ces errances à travers les significations de Moscou [...] jeu de l'esprit avec l'espace. Ces pas suivent les traces, les liens entre passé et présent de la ville amalgame, croisent les auteurs, les poètes russes, cherche des directions, du sens. Sa ( belle ) prose, à la fois précise et imaginative sur laquelle brille parfois une touche de fantaisie et/ou de provocation, confronte les visions de St-Pétersbourg, ville des idées, à Moscou, ville du regard. C'est singulièrement un univers, presque à la frontière d'une évocation fantastique, que ce narrateur s'essaie à interpréter dans l'entrelacs des ruelles moscovites.

Le seconde partie, d'une quinzaine de pages, revient sur cette évolution passé-présent en s'attachant à " l'étude " des enseignes commerciales qui habillent les rues de Moscou. L'auteur s'y livre à une véritable analyse aussi bien historique qu'artistique, s'attardant sur la notion de symboles de ces différents signes du quotidien, passant par les slogans des banderoles lors des manifestations et les croix plus que centenaires des clochers et des cimetières. C'est Moscou d'après la Révolution bolchevique, Moscou des années 20, celles de l'offensive entre ancien et nouvel ordre, l'enseigne devenue l'anachronisme de cette ville-musée. C'est ainsi une analyse de l'écriture dans la rue, des annonces à travers ces enseignes ouvragées de métal remplacées par les affiches, une radioscopie sociale et politique. Encore une fois, interpréter, donner du sens, chercher à comprendre l'histoire russe par le regard sur la ville du regard.

" Il est peu probable que l'on puisse aujourd'hui revenir à l'ancien style de l'enseigne, lapidaire et monumental, statique voire lourd. La conception même de l'enseigne dans une ville dont le commerce est en voie d'étatisation change profondément : il ne s'agit plus d'inciter, mais seulement de signifier, de désigner. Rien de plus. [...] tout cela est fort loin et bien étranger aux vieux procédés de l'étourdissement par la réclame et de la concurrence propres au capitalisme privé. L'ancienne enseigne de Moscou, qui peu à peu sombre dans le passé, conserve avec plus de fidélité et d'exactitude que les autres éléments de l'inventaire complexe de la rue les traditions mourantes de la vie quotidienne et de l'art de la ville. " ( 1924 )

Quant à la troisième partie, elle relève du témoignage : Moscou durant la première année de guerre. Il s'agit d'un recueil de textes écrits en 1941, dix-neuf émouvantes chroniques mêlant les personnes, les lieux, les moments, tous vivant ce temps, dans ce temps, de la ville assiégée par la guerre.
Lien : http://www.lireetmerveilles...
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