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Critique de angiedaz


J'ai reçu cet album via l'opération Masse Critique jeunesse début novembre 2021.
Je suis enseignante-documentaliste en collège, attachée à fournir à mes élèves collégiens et collégiennes les documents les plus ouverts, fiables, les plus respectueux de leurs libres choix, les plus éloignés injonctions traditionnelles faites aux jeunes, garçons (virilité) ou filles (féminité).
Les Tutos de Lila #moncorpsetmoi ne fera pas partie de mes recommandations aux parents d'ados. J'émets même plusieurs mises en garde face à son contenu, même s'il a par ailleurs des qualités indéniables de vulgarisation scientifique (le chapitre 1 "qui suis-je ?" m'a l'air bien fichu en ce sens).
C'est au Chapitre 2 sur la puberté que ça se gâte. J'ai commencé à écarquiller les yeux à la page 23, où les autrices encouragent les jeunes filles à peine pubères à se soumettre à un examen médical approfondi (allant jusqu'à la palpation mammaire) chez un gynécologue, présenté comme "spécialiste du corps des femmes" (non, leur spécialité est l'appareil reproducteur). En réalité, hors pathologie, aucune visite chez un gynécologue n'est nécessaire avant 25 ans (selon la haute autorité de la santé) et la première consultation par rapport à la puberté, la croissance mammaire, la survenue des règles peut aussi bien être effectuée chez un.e médecin généraliste ou, mieux, un.e sage-femme. Aucune palpation mammaire n'est nécessaire pour "vérifier que tout va bien". On dirait une mise en condition pour préparer les jeunes filles à une vie de docilité et d'examens médicaux invasifs injustifiés.

P. 25 et p. 26, on tente de rassurer les lectrices sur l'aspect de leur poitrine avec cet argument dangereux : de toute façon, il y a toujours la chirurgie esthétique/réparatrice. Vive la libération des diktats sociaux... Et puis, Lilas qui semble obsédée tout le long du bouquin par ses seins trop petits, et qui se console en disant "d'abord, c'est très vulgaire, les gros seins !". La lectrice complexée par son développement mammaire trop précoce ou trop important à son goût se prend ça et en fait quoi ? Apprendre aux ados à faire du bodyshaming sur les corps opposés à leur complexe, ça c'est de l'éducation.

On lit en filigrane dans ce bouquin que les sein ne servent qu'à allaiter, et que l'ultime définition de la féminité c'est de pouvoir porter la vie.

La p. 27 est hyper malsaine, où il est dit aux filles que voir sa fille grandir et devenir une femme est très dur pour un papa et qu'il faut le rassurer. Non mais non, quoi. Il a fait un ou des enfants et a eu +10 ans pour se préparer à ça. L'ado doit gérer la charge de sa puberté et de son adolescence dans son propre corps/sa propre tête, pas prendre soin de son parent qui est un adulte. Là encore, on est dans un stéréotype sexiste qui en dit pas son nom, de charge émotionnelle pesant sur les femmes pour adoucir les émois des messieurs.

P. 30, il y a quelques imprécisions anatomique (inversion gauche/droite sur le schéma du bas), confusion entre "clitoris" et "gland du clitoris".

Dans l'ensemble, il faut supporter le vocabulaire puéril employé pour prendre de la distance avec le sujet, comme s'il était normal d'être gênée (gygy pour gynécologue, nénés pour seins, foufoune pour vulve, zizi pour pénis...).

P. 34, l'autrice perpétue une idée reçue sur une corrélation entre l'acné et une alimentation grasse. Ceci n'est en réalité étayé par aucune étude.

p.35, toute la classe de Lila et Lila elle-même se moquent de la prof qui a des poils apparents sous les aisselles. En contradiction avec le texte qui dit qu'on peut choisir de retirer ou non ses poils (mais on vous colle quand même une illustration complexante pour éclairer votre choix).

P. 37, encore une inexactitude : "quand il est régulier, le cycle menstruel dure 28 jours".
Non.
C'est juste une MOYENNE. On peut avoir un cycle régulier qui dure 26 ou 33 jours. Pas la peine de courir chez un gynéco parce qu'on ne fonctionne pas comme l'indiquent les livres et les manuels de SVT. 28 jours est une durée MOYENNE, pas une norme.

p. 39 "dans de nombreux pays, dont le nôtre, la domination des hommes sur les femmes a cessé". Wouah !! Je veux savoir de quel pays il s'agit pour m'y installer tout de suite !!!

p. 41 je SALUE et j'applaudis des deux mains la présentation de diverses protections périodiques. Il y a 15 ans, j'ai appris à ma collègue infirmière scolaire l'existence des coupes menstruelles, aujourd'hui, on en trouve dans les supermarchés. Et dans les livres mainstream pour ados. Tant mieux !

Je pourrais m'attarder encore longtemps... La partie sur la santé m'a laissée perplexe tant elle semble ésotérique (les maladies s'expliquent par les émotions, corrélaire de "il suffit de le vouloir pour guérir"...). Et à la fin, injonction à porter du maquillage, à appliquer de la crème hydratante (à 12 ans ? sérieusement ?). Bref, j'ai pris beaucoup de notes et non, non, je ne recommande pas cet ouvrage, même si j'ai lu deux ou trois bonnes choses dedans.
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