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Critique de Henri-l-oiseleur


A contre-courant de notre temps (mais aussi du temps de l'auteur, ce début de règne baroque, tourné vers la fête et les plaisirs), le roman de la Princesse de Clèves indique la voie de la rigueur, du refus de la facilité, la voie de la contrainte que l'on s'impose à soi-même par souci de soi, de sa dignité, de sa "gloire", comme on disait alors. Il s'agit moins, pour l'héroïne, de la crainte de l'enfer ou des conséquences du mal, que de se refuser à tout avilissement, à toute dégradation de soi : or suivre sa pente, dans ce roman, c'est perdre sa valeur et sa fierté. C'est par orgueil (et crainte de souffrir) qu'elle ne pèche pas. L'héroïne aspire à autre chose, à plus grand et plus beau que le bonheur, qui est devenu pour nous, aujourd'hui, la valeur suprême : agir dignement est le souci de cette jeune aristocrate. Il n'est donc pas surprenant que ce roman ait encouru les foudres de tous aujourd'hui, du Président Sarkozy lui-même au moindre lycéen inculte, sans oublier la cohorte des enseignants gauchistes qui firent mine de redécouvrir le livre. Il nous prend tous à rebrousse-poil en nous disant qu'il y a mieux, plus haut, plus beau et plus noble que le bonheur.

Voilà pour la morale. Il reste deux obstacles à franchir pour entrer dans ce court roman et en tirer tout le profit possible : d'abord, l'erreur d'y voir un "roman historique" à la façon de Walter Scott ou ... Christian Jacq : Mme de La Fayette vit en un temps où la particularité historique, le pittoresque des âges anciens, ne sont pas conçus. Il suffit de voir les grands tableaux d'histoire et l'indifférence avec laquelle on traitait la vraisemblance historique des costumes et des décors. La cour du roi Henri II, c'est Saint-Germain ou Versailles. Il faut attendre un siècle et demi et le Romantisme pour voir apparaître ce goût du pittoresque, à la naissance du roman historique.

L'autre obstacle est celui de la langue. Pour nous, qui sommes habitués au français littéraire contemporain appauvri, et déshabitués du français recherché, la langue de ce roman nous semblera difficile, inutilement compliquée. Les ignares diront "ampoulee". Un petit effort de relativisme et de tolérance nous est demandé, et le français du XVII°s, avec l'habitude, devient clair. Et s'il reste des passages compliqués, surtout ceux qui sont consacrés à l'analyse des sentiments ou aux argumentations, c'est que les personnages eux-mêmes ne vivent pas dans des situations simples, mais sont pris dans un lacis de valeurs et de situations contradictoires. Kundera disait que le roman est l'apprentissage de la complexité : il vaut mieux faire cet apprentissage avec ce beau roman, que de ne jamais soupçonner qu'il existe des complexités en ne lisant que des prix Goncourt.

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