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Critique de Zebra


Zebra
08 février 2014
Pour commencer, je remercie Babelio, Octawia Tapsanji et les Éditions HC pour la superbe soirée organisée autour de Laurent Ladouari à l'occasion de la sortie de son premier roman, « Cosplay », ouvrage ayant passionné les lecteurs si on en juge par l'abondance des critiques (52) postées à ce jour sur le site.

« Cosplay » se distingue des autres à plus d'un titre. D'abord par son titre : « Cosplay », c'est un mot-valise qui accrédite très vite l'idée que le lecteur va se trouver en présence d'un jeu de rôle, version moderne des bals costumés d'autrefois où chacun avançait masqué. Puis par sa couverture : inhabituelle, tout en graphismes, noire et blanche, amalgamant symboles, dessins, animaux, objets et même un mousquetaire en grande tenue. Par son genre : véritable OLNI (objet littéraire non identifiable), « Cosplay » est atypique et entre avec difficultés dans une catégorie littéraire ; jugez plutôt : livre de science-fiction nous projetant dans un univers post-apocalyptique assez peu différent de ce qu'on peut observer quand on se promène aujourd'hui à Paris, La Défense ? livre d'anticipation construit sur une ère ou Facebook (actuellement en perte de vitesse), Internet (qui arrive à saturation actuellement), Google (moteur de recherche largement concurrencé) et Windows ont disparu au profit d'objets technologiques incroyables ? conte pour adolescents ayant la fibre entrepreneuriale, nous donnant à lire qu'il faut travailler plus pour gagner plus, version moderne de « là où il y a une volonté, il y a un chemin » ? essai philosophique et moraliste nous « démontrant » que les bons (= les ouvriers et cadres en col blanc au grand coeur) triomphent toujours des méchants (les affreux capitalistes n'ayant qu'une idée en tête, à savoir gagner toujours plus de fric en exploitant les masses laborieuses) ? L'époque dans laquelle se situe « Cosplay » est déroutante : on est clairement dans un ailleurs futuriste mais difficile à dater, dans un ailleurs où une guerre (mais laquelle et pour quels motifs ?) contre des Vandales a transformé le monde et détruit le paysage (la Zone ressemble au Bronx, le Mur isole la Capitale de cette zone, les moyens de transport sont plutôt glauques). le scénario de « Cosplay » est assez surprenant : 1T, entreprise d'informatique au bord du dépôt de bilan, est la proie d'un raideur, Zoran Adamas, patron du Groupe Phénix et milliardaire cynique ; Adamas veut se servir du Cosplay (jeu massivement multijoueurs, où chacun avance masqué et évolue, sans règles, dans un monde virtuel, conservant la possibilité de quitter la partie à tout moment en empochant, en compensation, un chèque représentant 3 ans de salaire) pour détruire 1T, les employés de 1T ayant dès le démarrage du jeu très à coeur de se venger et de tout remettre à plat dans leur entreprise (réajustement des salaires, licenciement des cadres dirigeants, promotion des éléments valeureux …) ; à partir de là, commencent les alliances, les fausses promesses, les arnaques et les embrouilles et ceux qui tirent leur épingles du jeu ne sont pas ceux auxquels on pourrait s'attendre. Les personnages sont très (pour ne pas dire trop) nombreux. L'héroïne, Katie Dûma, belle, ultra intelligente, rationnelle mais émotive, nouvellement recrutée après avoir produit une thèse assez confidentielle sur la société 1T, se situe à mi-chemin entre l'adolescente excitée, l'étudiante complètement investie dans sa spécialité et le chevalier blanc redresseur de torts : personnage central, elle manque cruellement de personnalité et « s'efface » devant d'autres personnages, plus bariolés ou plus « épais » qu'elle. le « poids » de l'ouvrage (474 pages) force le respect : mais les 108 premières pages ne servent qu'à planter le décor et les principaux personnages de l'ouvrage. de surcroit, « Cosplay » abonde de redites, de dialogues longuets, de digressions et de descriptions fastidieuses, le tout nuisant à l'intrigue. Enfin, les va et vient continuels entre le réel et le virtuel finissent par lasser et la fin, très bizarre et décalée, donne au lecteur comme une vague impression d'inachevé.

Bon, ne forçons pas le trait : tout n'est pas à jeter. le papier est agréable. L'écriture n'est pas désagréable. Les chapitres sont souvent courts et toujours bien enlevés. Les notes en bas de page (références à la pop-music des années 70/80), bien que n'ajoutant rien à l'histoire, lui donnent du relief. Les dialogues sont vivants, sonnent justes et présentent ici ou là une touche d'humour, de poésie ou de malice. le style, simple, vivant et bien rythmé, facilite la lecture. le jeu du « Cosplay » connait des phases et des rebondissements (puisqu'il se poursuit sur 3 jours) qui nous tiennent (un peu) en haleine. Les dirigeants de l'entreprise et tous leurs homologues, voyous capitalistes, en prennent pour leur grade, ce qui est un peu manichéen mais fort jouissif. Les phases du jeu sont clairement identifiées grâce à l'utilisation d'une police de caractère différente du reste de l'histoire. Les personnages sont réellement travaillés : Tancrède Malatesta et Paul Hatzel sont particulièrement bien croqués. Et le lecteur redécouvre les arts asiatiques, la cérémonie du thé et les jeux d'échecs et de go.

Au final, un premier roman original, intelligent, futuriste, surprenant et souvent drôle, un peu bizarre et faussement naïf, dont le coeur du sujet est le management d'entreprise, dont la toile de fond est le culte de l'argent et l'attrait du pouvoir, dont l'objectif est de présenter la possibilité du sauvetage d'une entreprise grâce à l'utilisation de l'anarchie comme révélateur des potentialités de chacun (les forts comme les faibles) et comme fédérateur des énergies collectives. Je note trois étoiles.
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