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Critique de fuji


fuji
02 septembre 2019
A l'origine Claire vient de son Cantal, contrairement à sa fratrie elle n'est pas destinée à la terre, sa maladresse est légendaire ainsi que son aptitude pour les études.
Les paysDe Claire sont le Cantal qui l'habite et Paris qui l'habille.
En prévision de son entrée à la Sorbonne, son père l'amène à Paris, lors du Salon de l'Agriculture.
Pour ce court séjour, ils habiteront chez des amis demeurant à Gentilly, Henri et Suzanne, qui viennent chaque année rendre visite à leur famille dans le Cantal.
Le père souhaitait venir en voiture, mais il en fut dissuadé, trop compliqué quand on n'a pas l'habitude.
Le père a une antienne, son monde qui s'efface. La fille engrange tout ce qui est possible pendant ce séjour, elle sait que sa vie sera là.
Ses premiers pas à la Sorbonne, sont ceux d'une fille de son pays qui se rappelle à elle par l'importance qu'elle accorde à la gestuelle, à la structure des corps de ses nouveaux compagnons de route.
Qu'ils soient étudiants ou professeurs, ce sont leurs corps qui parlent, qui disent.
Les mains de son professeur de Grec sont terriblement vivantes. Ce sont pourtant des mains d'intellectuel.
L'éveil à ce nouveau monde n'est pas sans douleur, se taire sur tout ce qu'elle ne sait pas de façon innée, combler ce fossé avec acharnement, travailler encore et encore.
« Claire s'exhortait à ne rien perdre, à ne rien laisser flotter ; elle pressentait qu'il lui serait difficile de revenir seule au Louvre sans être écrasée, sans crouler sous les références qu'elle n'aurait pas ; elle devait prendre ce qui était donné, là ici maintenant, et faire son miel… »
Travailler toujours, pendant les vacances « se faire des sous » qui devront, ajouter à sa bourse, faire toute l'année.
Lors de la réussite de son examen de première année, faire une folie, s'offrir un pantalon rouge, comme celui que porte les filles à la mode, c'est une récompense bien méritée.
Cet achat est une mue.
Son amitié avec Lucie lui parait improbable, comme la vie à Paris où les voisins ne voisinent pas mais s'entassent, car le mètre carré habitable est cher.
Avec Gabriel, « elle apprit la géographie. »
Claire est laborieuse, joyeusement laborieuse, « elle n'avait pas besoin de divertissement. »
Tendue comme un arc vers son but : réussir ses études.
Elle découvre qu'il y a une vie culturelle, un trésor qu'elle ne laissera pas échapper.
Elle se forge. Si son physique a la force de ceux qui ont vécu avec la terre nourricière, se sont endurcis au contact de la rudesse de cette dernière, elle devient intense et singulière.
Des années plus tard, elle transmet à son neveu. Elle a fait le choix de ne pas avoir d'enfant, son père a du mal à comprendre cette fille dont il est fier, mais qui vit de façon si éloignée des manières qui l'ont vu naître.
« Avec des femmes comme Claire, qui ne voulaient pas se charger d'une famille, supporter un mari, des enfants, et habitaient dans des appartements bourrés de livres, allaient à des spectacles ou voir des peintures dans des musées, à Paris en Autriche à New-York, au lieu d'élever des gosses et s'occuper d'une maison, avec rien que des femmes comme elle, qui gagnaient leur argent sans attendre après les hommes, ça serait bientôt la fin du monde. »
Ses mots sont comme des pierres polies par l'activité dense de la rivière, ces mots qui sont devenus les siens pour les offrir à ses lecteurs, sont autant d'empreintes de son pays, de ses pays.
« … il n'y avait pas de paradis, on avait réchappé des enfances ; en elle, dans son sang et sous sa peau, étaient infusées des impressions fortes qui faisaient paysage et composaient le monde, on avait ça en soi, et il fallait élargir sa vie, la gagner et l'élargir, par le seul et muet truchement des livres. »
Un roman où sensualité et cérébralité font bon ménage dans une belle humanité.
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 2 septembre 2019.
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