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Critique de wiljosh


Au sein de la trilogie de L'anneau des Lowenskold, les trois volumes n'ont pas le même statut. le tome 1 précédemment chroniqué se déroule dans cette famille un siècle avant les évènements des tomes 2 et 3 : le premier tome peut se lire isolément, tandis que les deuxième et troisième tomes sont indissociables et se lisent à la suite l'un de l'autre, formant un diptyque. Je prends donc le parti de faire la recension de ces deux romans ensemble.
Au centre des deux tomes se trouve un personnage masculin autour duquel gravitent toutes les femmes dont Selma Lagerlöf brosse le portrait. Toute la réussite de l'auteure est de parvenir à traiter avec la même richesse la personnalité de Karl Artur et celles de ses héroïnes.
Le point de départ de l'histoire est donc le projet de fiançailles entre Charlotte et Karl Artur, futur pasteur. Charlotte, dont l'amour désintéressé comporte une dimension sacrificielle, attend l'homme aimé pendant cinq ans, le motivant pour qu'il fasse des études, s'accomplisse et réussisse avant que leur union ne soit célébrée. Or Karl Artur, au fil de ce temps, délaisse ce pourquoi Charlotte se sacrifie : il devient piétiste et se met à promouvoir la pauvreté évangélique et l'abandon des choses de ce monde. Son fanatisme religieux, rigide, totalitaire, le conduit paradoxalement, alors qu'il promeut cet idéal supposément évangélique, à être négligent envers ceux qui l'entourent, égoïste, inattentionné, lâche, et finalement, à ne tenir aucun de ses engagements.
Sa personnalité pathologique le conduit à aborder le monde au gré d'une pensée magique qui frise de très près la psychose, dans son versant mégalomaniaque : il se sent l'élu et ne perçoit rien du mal qu'il fait à toutes les femmes qui l'entourent, sa mère, sa première fiancée, la seconde... Tandis que Charlotte est prête à tout lui offrir, il décide subitement de rompre ses fiançailles avec elle, et s'en remettant supposément à Dieu, à prendre pour épouse la première femme qu'il croisera sur sa route. Ce sera Anna Svärd, dont le destin est l'objet du second tome, et qui ne vit pas moins de misères de la part de Karl Artur que Charlotte dans le premier tome.
Précisons que la subtilité de Lagerlöf ne la conduit nullement à situer le mal dans la seul gent masculine : Karl Artur est en effet tout au long de l'histoire manipulé, dans son délire, par Thea, la femme de l'organiste qui est secrètement amoureuse de lui. Celle-ci ne cesse d'alimenter sa mégalomanie et son délire évangélique, au détriment de Charlotte et d'Anna.
On trouve dans ce roman des portraits psychologiques très fins : outre Karl Artur, Charlotte, bien que menée par l'amour, parvient à ne pas se laisser aveugler indéfiniment par son fiancé et se saisit de son intelligence et de sa bonté pour s'en sortir. Anna, colporteuse pauvre, n'en manque pas moins de finesse malgré son manque d'éducation, et son caractère bien trempé contraste avec une adaptabilité singulière aux revers du destin. Thea est une calculatrice, une manipulatrice dont chaque intervention machiavélique exaspère, et en même temps reste un personnage égaré dans une détresse existentielle profonde.
En parallèle à cette richesse psychologique, le texte comporte une forte composante d'analyse sociale. Il décrit les mutations sociétales suédoises à l'époque de la révolution industrielle -et les misères que nous réservent les machines. Selma Lagerlöf détaille à la fois le contraste entre la vie rurale, paysanne, et l'émergence de l'industrie, ainsi que de nouveaux systèmes commerciaux faits de colportage, de foires, de ventes publiques, d'objets plus ou moins dispensables. On voit donc l'implantation progressive d'un système capitaliste dans la Suède du dix-neuvième siècle, sur fond de contrastes sociaux : pauvreté des paysans, des marchands ambulants, richesse des entrepreneurs, différences d'éducation en fonction des milieux.
La dimension chrétienne est évidemment présente, mais Selma Lagerlöf semble singulièrement décillée sur le clergé et ne manque pas de mettre en avant, à travers le personnage de Karl Artur, les contradictions morales que peut comporter un comportement pourtant inspiré par la doctrine chrétienne protestante.
Selma Lagerlöf, comme dans la plupart de ses romans tardifs, place les femmes au centre de sa vision sociétale, comme piliers constructifs, essentielles dans leurs actions et leurs réflexions, y compris aux hommes qui disposent pourtant du pouvoir culturel et économique. le salut par des femmes qui savent avant tout aimer, mais aussi penser, construire, soutenir et s'adapter.
Lien : http://www.williamjoshbeck.c..
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