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Critique de domi_troizarsouilles


En refermant ce livre, je me demande comment il a pu arriver dans la sélection des cinq nominés au prix Livraddict 2021 – cette nomination étant la raison pour laquelle je l'ai lu, car je compte bien voter dans cette catégorie, et j'espère trouver le temps de lire les 5 titres ! (même si deux seuls suffisent) -, et ce qui lui a valu autant de critiques dithyrambiques sur les différentes plateformes de lecteurs.
Oh ! ce n'est pas qu'il soit mauvais, je l'ai même lu avec un certain plaisir, mais franchement, ce n'est pas la révélation de l'année, et certains aspects sont même plutôt affligeants.

Pour tout dire, c'est déjà le 4e sélectionné que je lis… or cette sélection toute entière me laisse perplexe. Citons « Alabama 1963 », que j'avais lu bien avant l'annonce des nominés, et qui avait été un énorme coup de coeur… mais que je n'aurais pas mis en avant en tant que Policier, malgré le fait qu'il y a bel et bien une vague enquête policière ; « le silence de la ville blanche », également lu avant l'annonce de la sélection, que j'avais trouvé réellement « prometteur » écrivais-je, mais dont le début laborieux n'avait pas permis une note magnifique ; puis enfin « le bureau du mariage idéal », souvent classé (à tort, à mon sens) parmi les cozy mysteries, le plus intéressant jusque-là. Dès lors, j'attendais beaucoup des deux derniers, dont celui-ci, et voilà…

Parlons de l'intrigue… Elle est prenante, c'est indéniable. En outre, la technique de faire évoluer deux enquêtes en parallèle, qu'on sent proches, qui finiront par se recouper sans toutefois se rencontrer tout à fait, entretient un suspense certain, d'autant plus aigu que chaque chapitre (ou presque) termine en forme de cliffhanger, dont la clé nous est donnée parfois dès le chapitre suivant, mais d'autres fois seulement après un chapitre consacrée à l'autre enquête !
Mais voilà : on va de fausse piste en espoir de résolution, d'avancée possible en cul-de sac, et ainsi de suite pendant plus de 75% du livre, sans qu'aucun indice sur la révélation finale ne soit jamais déposé – ou alors j'ai été particulièrement aveugle. Et paf, d'un seul coup, dans le dernier quart du livre donc, tout nous est révélé, encore à petites doses certes, comme si l'auteur avait eu un dernier sursaut de souci à ménager le lecteur. Mais en tout cas, c'est la façon d'écrire un polar qui m'horripile particulièrement, et depuis toujours : le lecteur est mené par le bout du nez dans un noir total, et puis tout est dévoilé en fin de livre façon grand coup de théâtre ! Ici, en plus, sans vouloir divulgâcher, le coup de théâtre est certes plausible (mais quand même très « gros »), mais prend tout à coup une tournure politique un peu tirée par les cheveux, qui a achevé de ne pas me convaincre.
Et pour combler le tout, la chute d'une de ces deux enquêtes parallèles m'a semblé bien bâclée, comme si l'auteur en avait tout à coup assez de ce personnage principal là, et clôture donc les choses vite fait, sans finesse, un peu en eau de boudin : dommage.

Toutefois, j'aurais peut-être pu mieux accrocher… s'il n'y avait pas eu les personnages ! Ceux-ci sont incroyablement clichés, sans apporter rien de nouveau au genre Policier. Commençons par la première à apparaître : Cannelle Pourson, la commissaire provinciale (mais d'une ville importante, elle est à Strasbourg quand même), carriériste au point d'avoir sacrifié son mariage (et bien un peu ses enfants), oscillant sans cesse entre un certain autoritarisme et un vague souci de bienveillance et de vrai leadership envers ses hommes, ok on a compris la musique… On passe alors à Simon Vairne, membre de la DGSI à Paris, bon flic à la limite du brillant même, mais caractérisé par son indiscipline récurrente, irrévérencieux face à sa hiérarchie, dont il parle d'une façon qui n'est pas sans rappeler les blagues potaches d'étudiants en train de faire la fête, mouais… Il a certes la particularité d'être un ancien joueur de poker professionnel, et de voir le monde à travers une certaine déformation des sens et des perceptions qu'il avait développée dans cette ancienne occupation, mais ça ne suffit pas à le rendre réellement attachant. Enfin, on reprend sur la sérénade de la provincialité, et là on arrive à Aix, le bout du monde pour Paris donc, et on tombe sur la pugnace Marion Mastereaux, représentée comme l'archétype de la féminité, trop belle pour être flic, et qui a tellement dû se montrer ferme et fermée dans le monde très machiste de sa profession, qu'elle en est devenue détestée par tous ses coéquipiers, malgré le fait qu'elle aussi est –évidemment !- présentée comme un bon flic…

Bref, l'image de la femme flic qui doit s'imposer en sacrifiant sa famille et/ou sa féminité, tombant dans les travers masculinistes les plus obtus, ou le bon flic mais rebelle ayant encore un pied dans l'adulescence, c'est du vu et revu, c'est un cliché éculé sans saveur. Mais le pire, c'est qu'aucun d'eux n'a de réelle profondeur : on reste en permanence dans le superficiel, sans creuser un seul instant. Il y a bien quelques tentatives quand on évoque ici ou là les enfants de Cannelle, à qui elle tient malgré le fait qu'elle les a plus ou moins abandonnés à son ex-mari ; et on entend que Simon et Marion se font des confidences, évoquant (mais tellement brièvement, et sans aucun développement) l'enfance difficile de Simon par exemple, mais ça en reste là… Oh ! je ne dis pas que je voulais une analyse psychanalytique et l'histoire personnelle de chaque personnage avant de démarrer, mais de là à n'avoir que quelques vagues évocations, c'est frustrant. de plus, il n'y a aucune finesse psychologique dans l'analyse de leur évolution, qu'elle soit professionnelle ou personnelle, ou dans les relations des uns avec les autres, si ce n'est tout au plus un vague et très prévisible « ennemies to lovers ».

Enfin, l'écriture est sans doute l'aspect le plus convaincant. Elle est rythmée, c'est indéniable, et comme je disais plus haut : le jeu des fins de chapitre en forme de cliffhanger donne envie de poursuivre … en espérant toujours une révélation, un vrai indice qui ferait avancer les choses. Or, même si cela n'arrive presque jamais, ou alors de façon qui permet tellement peu d'avancer que ça ne sert à rien, on n'a pas le temps d'être déçu car ça s'emballe malgré tout, et on suit.
C'est aussi une écriture très visuelle, qui pêche parfois par des excès… comme si l'auteur avait voulu montrer à tout prix « qu'il sait », ou comme s'il s'adressait à des néophytes en matière de polar. Certains passages, marqués par exemple par une surabondance de détails dans la description d'une scène de crime, m'ont fait lever les yeux au ciel – je ne vais pas les énumérer ici, ça rendrait mon commentaire inutilement long, mais j'en ai surligné au moins l'un ou l'autre dans mon « bloc-notes »…
Mais donc oui : c'est une écriture visuelle, façon grand spectacle même parfois, et je conçois que ça puisse plaire – même si, dans mon cas, ça a été plutôt l'inverse, car ça semble au détriment d'une analyse plus fine des personnages, ou d'une enquête moins tarabiscotée à laquelle le lecteur aurait eu l'impression de pouvoir prendre part, ce qui n'est donc pas le cas ici, et ça m'a manqué !
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