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Critique de Bimach


Les auteurs abordent, avec cet ouvrage, un thème dont on peut regretter que la science économique ait pu le contourner si longtemps ; à quelques exceptions près, il este vrai, (comme le livre ne le précise pas), comme la question de la valeur de la vie humaine, dont on sait certes qu'elle n'a pas de prix, mais qui a bien un coût, et les débats soulevés lors de la crise du COVID l'ont bien montré. Il y a bien longtemps que les économistes ont pris en compte le fait que les individus ne sont pas prêts à accepter de payer n'importe quel prix dans l'espoir de limiter le risque pour leur vie, et que ce "prix" qu'ils attribuent implicitement à leur propre vie, par des choix que l'on peut observer, par exemple en choisissant de voyager en voiture parce que le train est trop cher, a été pris en compte dans l'évaluation économique des projets routiers, par exemple.
Mais il est bien vrai que la question, par exemple, de savoir, si les citoyens sont prêts à transiger, pour des raisons économiques, à leurs valeurs, par exemple, à travers le prix qu'ils attribuent à leur liberté, à la confidentialité des données qui les concernent, au maintien des éléments de leur identité, à la préférence pour la production locale, etc.…, était peu abordée jusqu'ici, du moins dans des ouvrages accessibles au public général intéressé par ces questions.
Et les auteurs, partant du constat de la différence étrange entre la position, sur bien des points, de la majorité des économistes et de la majorité de la population, par exemple, sur la taxe carbone, sur l'impôt sur les successions, et bien d'autres sujets encore, concluent à la nécessité de faire plus de lumière sur le poids, dans les comportements et préférences des gens, de leurs valeurs, et du coût qu'ils leur attachent, c'est à dire de la mesure dans laquelle ils sont prêts à transiger à ces valeurs si cela leur coûte plus qu'ils ne sont prêts à y consacrer.
Ce livre est donc, par son sujet, extrêmement bienvenu.
Et il apporte des éclairages intéressants, notamment dans la première partie, où les auteurs tentent d'éclairer le lecteur sur les aspects philosophiques, sociologiques et politiques de la question, qui couvre la plus grande partie de l'ouvrage, le reste étant consacré aux enquêtes qu'ils ont menées pour mieux approcher les comportements réels face aux contraintes économiques.
Mais quel dommage que ces présentations soient si souvent aussi superficielles ! S'agit il d'une contrainte de place, qui empêche de prendre l'espace qu'il faut pour développer certains passages trop rapides, d'un temps donné aux auteurs pour rendre leur copie trop bref pour leur permettre une relecture attentive en se plaçant sous l'angle de leurs futurs lecteurs, voire d'un manque de clarté dans l'esprit même de chercheurs pressés de publier sur un sujet important qu'ils sont seulement en train de défricher ?
C'est difficile à savoir, mais le résultat est tout de même que le lecteur intéressé par un sujet aussi actuel se trouve trop souvent frustré par des analyses intéressantes, mais qui, par leur caractère superficiel le laissent sur sa faim, par des affirmations non véritablement argumentées alors qu'on les lui fait apparaître comme la réalité incontestable, voire par des phrases dont on ne parvient pas bien à saisir le sens, même après en avoir repris plusieurs fois la lecture.
Et, dans la partie qui présente les enquêtes visant à déterminer les conditions de coûts pour eux à partir desquelles les personnes enquêtées acceptent de transiger avec leurs valeurs, nous sommes de la même façon partagés entre l'intérêt qu'elles présentent, et le côté superficiel de l'analyse. Par exemple, le nombre de personnes interrogées peut paraître garantir une certaine fiabilité statistique. Mais comme on s'aperçoit vite que des contraintes méthodologiques dont la prise en compte honore du reste les auteurs en tant que scientifiques, conduisent à scinder les groupes d'enquêtés en de nombreux sous-groupes, on arrive à des échantillons dont on se demande s'ils continuent à donner une information significative. Et les auteurs ne s'attardent pas là dessus. Et l'imprécision est d'autant plus importante qu'il est, par exemple, difficile de donner un sens intuitif à une différence d'une unité sur l'échelle de 10 proposée, différence qui nous est présentée comme l'indice d'une variabilité nette, soit dans le temps, soit entre des réponses émanant de pays différents, soit pour caractériser les écarts entre enquêtés de droite et de gauche (qu'est-ce que cela signifie de précis, du reste?) ou enquêtés individualistes ou sensibles à l'aspect collectif des conséquences des politiques (même remarque, même si des précisions sont données sur ce sujet). Enfin, l'absence de référence à la variance dans les résultats empêche le lecteur d'avoir le regard qu'il convient sur la siginification réelle des moyennes indiquées.
Tout cela enlève une grande partie de l'intérêt de certaines conclusions qui auraient pourtant été de nature à retenir l'attention, comme le fait que certaines positions sont, contrairement à ce qu'on aurait pu imaginer, indépendantes de l'orientation politique de ceux qui les affichent (comme par exemple, le rapport au patriotisme économique).
Mais comment attacher de la crédibilité à de tels résultats quand ils reposent sur des définitions de la césure "droite/gauche" outrancièrement simplificatrices, voire carrément inexactes, où, par exemple, être de gauche, c'est être universaliste et antiraciste, et donc, si je comprends bien, être de droite c'est au contraire être raciste ! N'observe-t-on pas plutôt certaines tendances contraires, avec le soi-disant "antiracisme" de groupes qui militent pour exclure de réunions ceux qui n'ont pas la bonne couleur de peau, ou des partis qui se disent de gauche et qui donnent dans le communautarisme, c'est à dire l'exact contraire de l'universalisme ?
Dommage, voilà un ouvrage qui promettait beaucoup, et qui délivre, non pas peu, mais beaucoup moins que ce qu'on en attendait.
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