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Critique de Presence


Ce tome fait suite à Instinct animal (épisodes 1 à 6). Il contient les épisodes 7 à 12, initialement parus en 2012, écrits par David Lapham, dessinés et encrés par Gabriel Andrade, avec une mise en couleurs de Digikore Studios. Il vaut mieux avoir lu le premier tome avant de lire celui-ci.

Après les événements du premier tome, Dale Chesnutt se remet de ses blessures dans un lit d'hôpital. Alors qu'il a enfin repris conscience et se redresse pour se lever, il est tout de suite bloqué par 2 agents fédéraux armés et remis d'autorité dans son lit. le directeur Gordon Craine arrive de suite, accompagné de l'agent Shoenfeld. La proposition est simple : soit Chesnutt accepte de travailler pour le gouvernement, soit il est disséqué pour faire avancer la science. Il est donc envoyé en mission dans un nouveau trou paumé : Green Gorge dans l'état de Washington, près de la frontière canadienne. Pour infiltrer cette communauté, il se fait passer pour un chasseur, en goguette avec sa femme Pia Halvorsen (une autre agente du gouvernement). Sur place, ils repèrent tout de suite une autre communauté de loups garous, mais parmi elle se trouve un dissident Rikkard aux activités peu discrètes.

Après un premier tome bien gore et bien sanglant, David Lapham poursuit l'histoire de Dale Chesnutt dans la même veine. Il semble s'être fait une spécialité des récits sanglants et sexuellement explicites pour l'éditeur Avatar, avec des séries comme Caligula (VO), Crossed - Psychopathe et Dan l'invulnérable. À nouveau, le lecteur est rassuré à la fois parce que David Lapham fait en sorte que la publicité ne soit pas mensongère (gore & tripaille), mais aussi parce qu'il n'oublie pas le scénario.

Dans le premier tome, Lapham a établi les règles de la lycanthropie dans cette série (oubliez la pleine lune et augmentez le niveau de bestialité, plongez dans de petites communautés qui font tout pour passer inaperçues). Les relations que Chesnutt a entretenues avec Gerda Ingebritsen (à Bergen, ville où il était shérif) a fait de lui un individu à mi-chemin entre l'humain et le loup garou. Sans devenir un élu, sa condition le met un peu à part et justifie pleinement sa position entre humain et loup garou. En outre Lapham joue habilement avec les attentes du lecteur sur cette série. Certes il insère le quota d'éviscérations et de décapitations attendues. Il évite toute hypocrisie en mettant en lumière la composante sexuelle de l'animalité des loups garous. Mais il ne contente pas d'un service minimum qui consisterait à alterner les scènes gore et les scènes chaudes dans des affrontements basiques entre 1 humain et 1 loup garou.

David Lapham élargit l'horizon de sa narration en situant son récit à un moment charnière où les communautés de loups garous ne sont plus en mesure de vivre en toute discrétion. du coup, le lecteur reste sur ses gardes, conscient que l'équilibre est rompu, et qu'il n'est pas question de savoir comment le statu quo sera préservé, mais quelle forme va prendre la guerre entre humains et lycanthropes. Il sait rendre tous ses principaux personnages moralement ambigus, ayant tous leurs objectifs. Pour Gordon Craine et l'agent Shoenfeld, la fin justifie les moyens et Chesnutt n'est qu'un pion de plus, manipulable et même que l'on peut sacrifier si nécessaire. Rapidement la position de Pia devient aussi complexe, au point qu'elle joue sur plusieurs tableaux, y compris en cachant la vérité à ses supérieurs. Parmi les membres de la communauté de loups garous, tous n'envisagent pas de la même manière la coexistence avec les humains, sans pour autant tomber dans l'angélisme d'une coexistence pacifique. La relation proie / prédateur reste inéluctable.

Du coup, le lecteur bénéficie d'une solide intrigue qui n'hésite pas à être politiquement incorrecte (au-delà de la violence et des relations sexuelles) en dépeignant une société patriarcale qui s'assume, sans réduire les femmes au rang d'objet ou d'esclaves. Comme le tome précédent, ce tome est dessiné et encré par Gabriel Andrade. Il a réalisé quelques progrès par rapport aux épisodes précédents. Il dessine dans un style réaliste assez détaillé, sans aller jusqu'au photoréalisme, sans s'économiser sur les décors. C'est vraiment le point fort de ses planches que de réussir à faire croire à ces lieux, cette ville de taille réduite, éloignée de tout autre centre urbain d'importance et relativement isolée. Dans le même registre, les différentes habitations bénéficient de la même crédibilité que ce soient leurs façades, leurs matériaux, ou leur aménagement intérieur. Les scènes en pleine nature présentent également des reliefs, une faune et une flore suffisamment réalistes pour provoquer une immersion de bonne qualité. Andrade s'avère être un metteur en scène compétent, sachant bien placer ses personnages, avec un angle de vue permettant une bonne compréhension de chaque scène. Il n'y a que le vol des hélicoptères qui peine à convaincre, tellement les appareils sont rapprochés.

Gabriel Andrade s'est également amélioré en ce qui concerne la diversité de morphologie des personnages, et leurs postures. Il lui reste par contre encore quelques efforts à faire pour réussir à dessiner des expressions plus nuancées, et pour atténuer encore un peu la silhouette de pornstar de certains personnages féminins. Si Andrade ne fait pas encore montre du même enthousiasme que Raulo Caeres (l'un des dessinateurs de la série Crossed) pour le gore, il est évident qu'il a à coeur d'être convaincant chaque fois que le sang gicle, que les peaux sont lacérées par les griffes, que les victimes sont éviscérées. Andrade insuffle une conviction éprouvante lors de ces séquences. Il n'y a que l'entassement de têtes séparées de leur corps qui manque de crédibilité. Au fil des épisodes, les scènes de relation sexuelles gagnent également en personnalité, s'éloignant du rapport calqué sur les acrobaties pornographiques, pour devenir plus spécifiques, et gagner en bestialité lorsqu'un loup garou est de la partie.

Avec ce deuxième tome, David Lapham et Garbiel Andrade prouvent qu'ils ont une vraie histoire à raconter et qu'ils savent dépasser les clichés habituels propres aux loups garous pour une intrigue bien construite. Il reste à Lapham à réussir à mieux utiliser le thème de la bestialité pour donner plus de profondeur à son récit, et à Andrade à se débarrasser de quelques clichés visuels qui perdurent dans ses dessins. La série "Ferals" se révèle être une excellente série de loups garous, gore à souhait, à laquelle il ne manque pas grand-chose pour dépasser le cadre du récit de genre.
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