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Critique de Bernacho


D'abord il y a ce titre. Avec un titre pareil, si un livre était bâti sur du creux, n'était pas stimulant, était anodin, on serait en droit de le jeter, non ?

C'est l'histoire d'une rencontre. Rencontre entre deux êtres, entre un être et un monde, entre un monde et son envoyé des étoiles. Mais les transformations apportées par l'envoyé ne sont possibles que parce qu'il est d'abord transformé par le monde où il se trouve. L'acceptation de l'un se fait seulement après l'acceptation de l'autre. L'apprentissage de l'Autre, un thème plus que récurrent dans les romans d'Ursula le Guin. La voie de l'Ekumen, c'est l'antithèse du colonialisme, du tourisme, de l'exploitation ou même du commerce, en n'essayant pas de convaincre afin de mieux convaincre, en se laissant convaincre, en accordant toute autonomie à l'autre, en faisant confiance au déroulement non forcé des événements et à la chance.

J'avais envie de parler de ce que j'ai cru voir d'influence du taoïsme philosophique dans ce livre, de la politique de l'Ekumen à la mentalité géthenienne, en passant par le Handdara, mais ... nusuth ! (et puis comme ça je suis sûr de ne pas écrire de bêtise)

La planète Géthen, Hiver, couverte de glaciers, est certainement le personnage principal du roman (qui est pourtant aussi une histoire d'amour impossible, mais atypique au possible), à travers ses paysages, ses villes, son peuple, et ce qu'elle dit de l'humanité. En présentant différents modes d'organisation politique, plusieurs écoles mystiques, plusieurs mentalités, l'auteure évite le piège de la carte postale. Je trouve qu'elle dégage un portrait convaincant et touchant des géthéniens, dans leur homogénéité et dans leur diversité. Elle explore également l'éthique du pouvoir et présente, avec le Karhide et l'Orgoreyn, deux modes d'organisation politique opposés qui semblent atteindre chacun l'objectif annoncé par l'autre ! (Vivement la lecture des Dépossédés : c'est le prochain sur ma liste).

La Main gauche de la Nuit présente une exploration de l'influence des rôles sexuels, très réussie autant que casse-cou au départ (et à une époque où les études sur le genre ne devaient pas être légions), en les supprimant purement et simplement, et en en intégrant les conséquences pleinement dans l'histoire (la science-fiction dans toute sa splendeur). Alors, en l'absence de rôle sexuel, nous n'aurions pas de guerre, vraiment ? Moins de relations dominant/dominé ? Nous n'aurons pas de réponse à cette question. Car, et j'en suis reconnaissant à Ursula le Guin, tant j'apprécie cette démarche, j'ai vraiment eu l'impression qu'elle respectait mon autonomie en tant que lecteur. Un peu comme l'envoyé de l'Ekumen sur Géthen... Je me rends compte que c'est une qualité rare chez un auteur.

Court, écrit à deux voix, le roman est dense, très dense en réflexions, en descriptions, en mythes, en émotions, en épreuves, en événements, une lecture qui incite à la lenteur, qui culmine avec l'extraordinaire traversée du Gobrin, à la fois intérieure et extérieure. Je pense qu'il mérite bien son statut de classique (mais l'a-t-il, en fait ?).
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