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Critique de Soleney


Basile n'est pas un garçon comme les autres. C'est le fils du bourreau : lui et sa famille sont des parias, souillés par le métier de son père. Personne ne veut les approcher. Personne ne peut toucher leurs possessions. Et eux-mêmes ne doivent poser la main sur rien qui appartienne à autrui. Ils sont hués, moqués, critiqués… Et voilà que Basile, qui commence son apprentissage, se découvre progressivement une empathie qui défie l'entendement… Ainsi qu'une étonnante capacité à influencer les émotions d'autrui. Est-ce là l'occasion de se venger ?

Le résumé avait vraiment tout pour me plaire. J'y voyais là l'occasion d'étudier plusieurs problématiques qui me touchent : le racisme, la haine, le contrôle de soi, le rapport au monde et aux autres… J'ai été plutôt déçue.

Que je m'explique !
Premièrement, l'histoire n'est pas vraiment partie dans le sens que j'espérais. Il est parfois bon de se laisser surprendre par l'auteur, mais en ce qui me concerne, c'était une mauvaise surprise. J'attendais quelque chose de plus psychologique, un livre qui évoque des problèmes de société, les limites intellectuelles de la superstition, la nature humaine, la dichotomie du bien et du mal, la relation à autrui… Mais le Jarwal est plus axé sur L'Histoire : il y a beaucoup de descriptions qui ont pour but de nous immerger dans le Moyen Âge du 12e siècle. C'est une très bonne chose, mais c'était trop : j'ai sauté plusieurs paragraphes, impatiente de voir les choses avancer.
Au niveau psychologique, je n'y ai pas du tout cru. L'auteure a fait un choix très étonnant et quelque peu discutable : créer un double immatériel du protagoniste qui symboliserait la somme de ses noeuds internes : son pouvoir naissant (source d'angoisse) et sa relation à autrui (plutôt conflictuelle). Ayant grandi dans une ferme, Basile est un solitaire contraint qui ne rêve que d'être aimé. Mais impossible de se faire des amis quand on est le fils d'un bourreau. Le rejet auquel il est sans cesse exposé est une blessure purulente. Ce double, qui apparaît très tôt dans l'histoire, sert de bouclier : c'est lui qui conserve le pouvoir et scelle les plus puissantes émotions de Basile. Tous deux ne pensent pas de la même manière : le double avec ses émotions, et le héros avec sa raison. Le fait qu'ils soient sans arrêt en désaccord prouve bien que Basile est un être déchiré et qu'il ne sait pas encore quel chemin prendre : la vengeance ou le pardon ?
Les dialogues entre ces deux-là étaient pénibles, parce qu'ils ralentissent le rythme de l'histoire pour pas grand-chose.
Par ailleurs, le pouvoir de Basile a quelque chose de très mécanique et d'exagérément visuel. Il voit distinctement les émotions d'autrui flotter dans l'air, se comporter comme des créatures conscientes, et son double peut les attraper pour les redistribuer à sa guise. Pour un pouvoir d'une telle nature, j'ai trouvé que ça manquait de subtilité. Les émotions sont tellement complexes, ça ne peut pas être si simple que « j'attrape ce sentiment de colère qui flottait par-là et je le balance sur ce type qui passait dans le coin ».
Et puis les rebondissements ont définitivement éloigné l'histoire de la ligne que j'espérais. Car le fil rouge de ce roman n'est pas la psychologie, la société ou la question du rapport à autrui, mais les origines génétiques de cet être de papier qu'est Basile. Qui est son père, qui est son grand-père, qui est son clan… Voilà les principales questions que nous sommes en droit de nous poser – le reste est superflu.
Pour toutes ces raisons, je pense que Patricia le Sausse est passée à côté de son sujet.

Mais les choses ne s'arrêtent pas là. Non seulement l'histoire était frustrante, mais les personnages également.
Basile est très prévisible : toutes les émotions qu'il éprouve (auto apitoiement, colère, haine, vengeance) coulent de source parce qu'il manque de profondeur. Pis : il sombre dans le pathos avec une régularité irritante. Ses dialogues internes avec son double sont plats, sa vision des choses est d'une simplicité décourageante et son charisme est nul.
Il en va de même avec les personnages secondaires : ils m'ont si peu marquée que je ne m'en rappelle qu'à peine. Le pire, à mes yeux, était Amauri. Je n'apprécie que très modérément les enfants dans la littérature, et celui-ci cristallise cette allergie avec une redoutable efficacité. Il rassemble tout ce que je peux leur reprocher : il se mêle de ce qui ne le regarde pas, met les autres dans le pétrin à cause de sa curiosité maladive, essaye de se comporter comme un adulte et n'arrive qu'à avoir l'air prétentieux, se montre insolent, se croit très certainement plus malin que tout le monde...
Mais ce n'est pas ma plus grande déception. Pendant la majeure partie du récit, je me suis prise à espérer qu'il n'y ait pas d'histoire à l'eau de rose. Ces Amours Parfaites (si loin de la réalité !) sont tellement standards et évidentes que je ne veux plus en entendre parler. Je ne comprends pas pourquoi on continue à nous vendre ces princes et princesses magnifiés par leurs sentiments. Pourquoi est-ce qu'on nous fait courir après des chimères ? J'entends bien que ça fasse rêver, mais de la mesure avant toute chose !
Pour cette raison, j'étais plutôt contente de voir que Basile ne semblait pas s'intéresser aux jeunes filles. Et puis, passé les trois quarts du récit, voilà qu'il tombe sur la femme de sa vie. Mes espoirs se sont écroulés. Elle est belle, douce, intelligente, magnifique et parfaite ; ses longs cheveux noirs, ses yeux dorés, ses lèvres, sa peau ! Cette fille est un stéréotype. La seule chose qu'on retient d'elle c'est son irréprochable apparence. Leur relation n'a aucun intérêt puisqu'ils confessent leur amour après seulement deux semaines et que pour nous, il ne s'est passé que quelques dizaines de pages entre leur rencontre et la conclusion de leur histoire. Comment pourraient-ils s'aimer ? Ils ne se connaissent même pas. Le pire, c'est que cette romance fait écho à celle des parents de Basile, qui vivent encore une relation merveilleuse après presque vingt ans de vie commune. Le personnage de la mère, surtout, est particulièrement idéalisé.

Je pourrais continuer en ergotant sur l'écriture, qui ne m'a pas plu, mais je préfère passer à autre chose. Fort heureusement, cet avis n'engage que moi, et je constate que bien d'autres personnes ont apprécié le Jarwal. Tant mieux. Malgré ce billet très négatif, je souhaite à l'auteure, dont c'est le premier livre, de trouver son public.
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