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Critique de Nastie92


« L'amour d'une mère pour son enfant ne connaît ni loi, ni pitié, ni limite. Il pourrait anéantir impitoyablement tout ce qui se trouve en travers de son chemin. » a écrit Agatha Christie dans Rendez-vous avec le mort.
La reine du crime a bien raison : l'amour maternel est le plus puissant qui soit. Personnellement, je serais prête à me battre bec et ongles pour mes enfants. Comme une lionne.
Question combat, Françoise Lefèvre en connait un rayon.
Maman d'un petit garçon autiste, elle a tout fait pour rentrer dans son monde, pour communiquer avec lui, pour le faire sortir de sa coquille.
Elle a toujours refusé les étiquettes, les préjugés, les avis définitifs qui condamnent Sylvestre. Elle s'est toujours dit qu'elle réussirait, qu'elle n'avait pas d'autre choix : elle devait réussir.

L'autisme est un handicap doublement terrible. Tout d'abord parce que la communication est le fondement des relations humaines. Mais surtout parce que c'est un handicap invisible.
L'autisme ne se « voit » pas, bien qu'il soit bien présent, bien envahissant.
Un handicap physique ou un handicap mental visible induisent, si ce n'est de la compassion, sans doute une certaine compréhension chez les personnes que l'on croise.
Avec l'autisme, il n'en est rien et Françoise Lefèvre nous fait très bien comprendre ce à quoi elle se heurte quotidiennement.
Le regard des autres est difficile à soutenir ; les reproches sont difficiles à entendre.
Une scène m'a particulièrement frappée, elle se déroule dans un supermarché. Sylvestre agit d'une façon qui perturbe le train-train habituel des clients présents dans le magasin. Mais ce qu'ils prennent pour un caprice n'en est pas un, ce n'est qu'un événement "classique" dans la vie de Sylvestre, une manifestation banale d'une peur non exprimée, non exprimable pour lui.
La maman qui a tant de fois vécu ce genre de situation subit en silence les regards désapprobateurs et les réflexions déplacées. Elle s'efforce d'abréger le pénible épisode, mais ne dit rien. À quoi bon ? "Personne ne comprend, même quand j'explique."
Quel terrible constat ! Sylvestre n'est pas le seul a être enfermé : par rapport au monde extérieur, sa maman est enfermée avec lui dans une terrible solitude.

Le Petit Prince cannibale est un très beau titre.
Tous les enfants sont des cannibales qui dévorent leur mère : physiquement lors de l'allaitement, mentalement car la mère pense constamment à son enfant, matériellement parce qu'il passe avant tout, et socialement lorsqu'elle renonce pour lui à certaines choses ou certaines personnes.
Oui, tous les enfants sont cannibales, mais Sylvestre l'est plus que les autres. Beaucoup plus.
À travers son roman, Françoise Lefèvre raconte son combat permanent pour son fils. Elle le fait avec beaucoup de simplicité, elle ne cherche pas à se glorifier : Sylvestre est son Petit Prince, c'est tout.
J'ai une grande admiration devant les trésors d'imagination déployés par une mère prête à tout essayer pour que son fils fasse une toute petite chose minuscule et totalement banale chez les enfants "normaux".
J'ai une grande admiration devant la patience infinie, l'acharnement, la persévérance dont fait preuve cette mère, faisant et refaisant inlassablement les mêmes gestes, répétant sans se fâcher les mêmes paroles, telle Sysiphe roulant sans fin son rocher.
J'admire ce que cette maman fait pour son Petit Prince.
Le Petit Prince cannibale est un livre qui ne peut pas laisser insensible, d'autant plus qu'à un fond prenant vient s'ajouter une très belle forme.
J'avais découvert Françoise Lefèvre dans La grosse, j'y avais beaucoup aimé son écriture tout en délicatesse et poésie, j'ai retrouvé ces qualités dans le Petit Prince cannibale.
Je ne peux que féliciter les lycéens qui ont attribué leur Goncourt en 1990 à ce roman : ils prouvent une fois de plus leur bon goût. Bravo !
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