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Critique de AdeLitt


“la petite prolétaire qu'il avait cueillie dans le sel

J'ai lu Un oubli sans nom avec une grande facilité, m'abandonnant à sa douce fluidité et à son bruissement d'impressions, à la volupté des paysages, des goûts filtrés par la sensualité naissante de Suzanne. J'ai trouvé que c'était un récit clair, comme un paysage méridional de Cézanne, avec son horizon, ses reliefs qui indiquent les fortins à prendre, les massifs encore brumeux, l'horizon à conquérir. Un roman très solaire pour une héroïne qui se dit souvent tourmentée, attirée ou retenue par le côté sombre de son histoire dérobée, mais que je trouve lumineuse et sans tache (hormis celle obscure de son abandon), ouverte aux autres, habitante du monde comme on se souhaite à tous de l'être. J'ai aimé sa liberté, jusqu'à cette fin qui m'a beaucoup touchée - il faut toujours sortir de voiture quand on en a envie, quand le trop-plein est là, on parviendra toujours par nos propres moyens au bout du voyage.
Raquel, dans sa façon légère d'être, désinvolte en surface, est un personnage d'une force incroyable à mes yeux, elle vaut tout à fait le voyage, les sentiments ambigus qu'elle soulève mais aussi ce double apprentissage, qu'il n'y a pas que la fascination pour le passé qui compte mais que la route compte aussi, "Regarde devant. Dans le rétroviseur tout est moche." Intéressant clin d'oeil à la fin d'un texte tout entier consacré à la mise en récit d'un passé confisqué !

J'ai mis en exergue mon image favorite, un trait qui semble condenser une vision encore plus qu'une trajectoire. A ce propos, j'ai aussi senti dans le texte un désir plus souterrain, d'un livre ou d'une enquête prochaine... Quelque chose autour de la honte de trahir, de faire son chemin, de laisser la place à ce qui nous divise, risque de déplaire au point de briser nos éphémères équilibres ("il n'est pas un moi, il n'est pas dix moi, il n'est pas de moi... Moi n'est qu'une position d'équilibre" comme disait Michaux). Il y a beaucoup de rapides aveux de cet ordre dans le livre, sur la peur de l'incompréhension, le sentiment de clandestinité, et j'ai pensé, peut-être en me projetant comme chaque lecteur le fait, que lorsqu'on est né sous ce sceau, ce n'est jamais une affaire faite, et qu'il y avait là une parole qui dans le présent, tentait de se dire. Qu'est-ce qu'appartenir ? Et appartient-on une bonne fois pour toutes, tout entier, à ce qu'on s'est échiné à conquérir ?”
A. L.

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