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Critique de Enroute


Locke refuse l'échange avec Leibniz. Qu'à cela ne tienne, le philosophe allemand décide de forcer l'échange en introduisant dans l'espace public ses commentaires à l'"essai sur l'entendement humain". Locke ne répondra jamais : il décède avant la fin de la rédaction des réfutations de Leibniz. La publication des "Nouveaux essais sur l'entendement humain" ne motive plus alors son auteur : ils ne paraîtront que cinquante ans après sa mort.

La forme de l'essai est celle d'un dialogue entre Théophile-Leibniz et Philalèthe-Locke, qui, ce dernier, ne parle que par citations du texte de Locke. L'échange est donc beaucoup plus formel que littéraire, aussi gagne-t-il en clarté et ne peut-on accuser Leibniz de ne pas formuler des objections précises. Le discours de Locke étant plutôt une parole continue qu'une synthèse construite, Leibniz opte pour une réfutation au gré de sa lecture, livre par livre, chapitre par chapitre, paragraphe par paragraphe, alinéa par alinéa.

Le moins qu'on puisse dire est qu'ils ne sont pas d'accord. Chez Locke, refus des grands principes, faveur de l'expérience sensuelle sur le chemin de la connaissance, refus des idées innées, fusion de l'âme et du corps, etc. Chez Leibniz, le contraire, promotion de la connaissance théorique (et de la logique) et des constructions abstraites, affirmation des idées innées, pseudo séparation mais-tout-de-même-fusion de l'âme et du corps (au travers des monades).

Leibniz semble plus rétrograde (par sa conservation de la notion de substance et son attachement à la logique) mais infiniment plus rigoureux que Locke (les sujets sont très approfondis, au contraire du philosophe anglais qui reste systématiquement en surface et pense par intuition ou "flashes") ; tandis que Locke est plus moderne (refus de la métaphysique) mais sans conteste moins convaincant (ses arguments sont des images, sa pensée n'est pas construite, ce qui agace Leibniz qui écrit à de nombreuses reprises "je ne vois pas pourquoi vous revenez à nouveau sur ce point que nous avons déjà abordé et plus d'une fois"... on opine...).

Au final, il faudrait avoir la fantaisie de Locke et sa liberté de penser à peu près n'importe quoi (ce qui doit rendre les échanges et la vie très dynamiques, mais peut provoquer des paradoxes comme le fait d'entreprendre l'écriture de réflexions qui nient la réflexion) tout en ayant la rigueur et les connaissances de Leibniz (qui établit certes des vérités mais peut avoir tendance à en établir trop, surtout quand elles ne peuvent être fondées sur la raison seule, et dont la précision et la rigueur pourraient rendre la vie rapidement ennuyeuse)... Revendiquer l'importance de la réflexion (comme Leibniz) et s'en servir à l'occasion pour plaisanter (comme Locke)... Concilier monsieur "Je-sais-tout" et monsieur "Je-fais-ce-que-je-veux"... Les dernières pages sont un feu d'artifices des lectures fantaisistes de Leibniz qui égaient par la démonstration qu'il apporte qu'on s'est de tout temps mis à croire à peu près n'importe quoi, innombrables exemples à l'appui extraits d'ouvrages de mystiques et d'illuminés...
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