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Critique de EvlyneLeraut


Entrez dans cette clairière littéraire !
Unique, précieux et apprenant. le travail opératif, l'Alcazar en apogée.
Ici, c'est l'effort, la cadence, la Canopée qui encensent cette trame dont on ne lâche pas un seul mouvement, une minute et un regard affûté.
On ouvre le rideau d'essences et de sens. La vie écarquille ses prunelles. Nous sommes dans l'essentialisme. Dans l'instantané de la glorification de l'apprentissage.
« Copeaux de bois » un carnet qui rassemble l'épars. Un journal sans date ni heure, l'écrin même du temps présent est ici.
Dans cet espace monde où le vivifiant est la carte de route. Où ce temps d'apprendre touche le coeur, attise les muscles. La fierté d'être complice avec l'advenir et le Savoir.
Apprentie, quatre saisons dont les arbres, le cycle de la vie seront les guides. Être encerclée par une majorité d'hommes, dans cet espace où la virilité pourrait être un obstacle. Des hommes aux mains habiles et le corps agile, dans cette habitude des gestuelles innées.
« Le casque orange et les chaussures terreuses… Je secoue mon pull le fous à la machine avec le pantalon anti-coupure
passe à douche
mais malgré ça
à peine passé la porte
mon amoureux dit : Ça sent la forêt ici ».
« Avec une corde on peut faire une règle
une équerre et un compas . »
« La croix du bûcheron vous connaissez ? ».
Anouk Lejczyk est de mimétisme vêtue. Un adage : se fondre dans l'équipe. Les mousses cèdent le passage. le maniement des outils comme un défi pour écrire le beau, l'utile et la fraternité. L'osmose avec les valeurs opératives.
On aime ces fragments comme des feuilles qui tombent en nos mains. On fait attention, on ne blesse pas ce charme qui envoûte. Cette déambulation forestière.
« Se mettre dans la peau de l'animal en quelque sorte
ça lui permet de venir voir le monde autrement
et puis une nuit perché dans un arbre
il a vu une laie mettre bas
C'est peut-être bizarre de dire ça mais cette nuit-là j'avais des étoiles dans les yeux ».
Abattre un arbre. Défier le risque. le soin est une caresse naturelle et compréhensive. L'utilité : donner de l'espace au ciel, pour abreuver les racines des plus majestueux. Ceux qui ne vacilleront pas sous la tronçonneuse.
« Mon seul nuage à l'horizon c'est Omar qui se met à abattre sans regarder autour
puis change d'endroit en laissant son bois au sol
ni débité ni fendu ni stéré
ça me gonfle mais je ne moufte pas ».
Anouk va sauter les cases. Se déplacer au gré des stages. Construire sa Babel d'apprentie bûcheronne, parfaite et réalisée.
« Lacets entre les forêts sombres de résineux
grumiers chargés à bloc
bois bien stéré dans les jardins
bâtisses couvertes de travaillons
renard au milieu du pré blanc
j'ai la voiture de maman
un album de Kora qui tourne en boucle
des pneus neige
des habits pour trois semaines et quatre saisons ».
Les camaraderies comme des abris de végétal et de sourires. L'entraide-liant et les confidences des uns et des autres sont des escomptes hyperboliques pour le lendemain d'Anouk.
« Les équipes débarquent une à une
on prend le café au cul du camion
un gros gars surnommé le Sénégaulois raconte ses galères avec ses deux femmes africaines 
un autre parle de ses nouvelles doses de Xanax
un autre de son épouse partie avec la gamine
ma tasse se remplit de pluie ».
Écrire ce temps présent pour faire un livre. La main de l'écrivaine est un miroir inversé. Anouk est le griot des forêts. Et c'est beau. L'encre dévore tout. le spéculatif est la sève qui s'écoule. Les sociologies sont des bruissements. Les psychologies sont des rais de lumière qui percent au travers des cimes des arbres. Devoir d'écriture en diapason avec la beauté.
« En forêt on me présente comme l'écrivaine
ici comme la bûcheronne
une fois quelqu'un dit : Écrivain-bûcheron c'est un peu comme faire de la boxe avec des échecs ».
« Copeaux de bois » la nature souveraine, l'intrinsèque du perceptible. Anouk collecte les silences comme les secrets et le bienfait du végétal pour un lendemain meilleur. Garder son libre-arbitre, se frayer un chemin dans les méandres d'un métier physique.
« On finit la mission rotofil autour du parking
je galère encore à soulever la tête
finis par demander de l'aide au stagiaire des espaces verts
un mâle de cinquante piges qui passait par là s'arrête
Ah on on a toujours besoin d'un homme hein !
Non pas toujours
Oui c'est vrai c'est de la médisance ».
« … Tu es un pur produit de ton éducation patriarcale et tu n'as rien voulu changer ».
« Copeaux de bois » le cercle se referme. Voici l'heure de l'écoute. Ce livre est envoûtant. Il est une invitation à la merveilleuse rencontre entre la nature et l'écriture. Il est un lien et une attache. Un arbre qui flanche sous la réussite et la coupe affûtée au cordeau et à la tronçonneuse. Anouk Lejczyk nous offre la plus belle alliance : l'opératif et le spéculatif.
Magistral et authentique. Une déambulation souveraine entre les sous-bois et les pages verdoyantes. Publié par les majeures Éditions du Panseur.

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