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Critique de michfred


La "drôle de guerre" a débouché sur une vraie guerre qui n'était pas drôle du tout.
Elle a commencé à  se lézarder en avril - mai 40 et , en juin , elle a pris fin dans la débâcle que l'on sait. 

Une vraie déculottée. 

Une fois la Belgique envahie, les troupes allemandes ont percé les défenses françaises par la Picardie et par les Ardennes,  contourné et pris à revers la ligne Maginot, réputée imprenable sauf  à la cosaque, il faut croire! le temps de permettre aux Anglais de s'embarquer en catastrophe à  Dunkerque et de se replier vite fait sur le bastion britannique, c'était plié. 

En quelques jours, les armées françaises se sont trouvées débandées, essorées, dispersées facon puzzle. On a tous en tête les images de ces convois de civils pathétiques, avec matelas sur le toit des voitures en panne d'essence, méticuleusement mitraillés  par la Luftwaffe , comme au tir au pigeon.

On a lu ça,  vu ça,  entendu ça.  Les Miroirs de nos peines n'ont pas manqué.  Les deux plus marquants restent, pour moi,  les premières images du film de Rene Clément, Jeux interdits et  toutes les pages,  terribles et cruelles, d'Irène Némirovsky dans Une suite française.

Alors il fallait avoir la pêche phénoménale et l'insolence joyeuse de Pierre Lemaitre pour  tirer de ces quelques mois de panique et de déconfiture  peu glorieuse une épopée alerte, presque allègre,  où rien ne se prend ni au sérieux, ni au tragique,  où les personnages sont tous éminemment sympathiques- il y a bien un  garde mobile   très-vilain-pas-beau mais on le découvre pas si fin salaud que ça, finalement, il y a aussi  un voleur du bien public qui utilisera son larcin à  de nobles ...faims  et aussi un horrible magouilleur qui s'avère être un sacré débrouillard,  dans la déroute. D'ailleurs, son enfance massacrée fait qu'on lui donnerait le bon Dieu sans confession.

Surtout quand le bon dieu et la confession sont administrés par le père Désiré,   un ecclésiastique  charismatique à la charité survoltée et au latin...byzantin!

Bref, ce Miroir de nos peines porte bien mal son nom car il a le talent de nous mettre en joie, et celui de nous tenir en haleine. Je défie quiconque de lire ce bon gros livre de près  de 500 pages en plus d'une semaine: on le dévore sans modération!

Pierre Lemaitre sait pourtant mêler humour et sens du tragique : Cadres noirs que j'ai adoré me serre encore le coeur.  Et, plus près de ce dernier livre, le premier de la trilogie, Au revoir là haut,  ne manque pas de moments graves, de notes amères,  voire tristes.

Rien de cela ici.

 La déroute imprime au récit sa débandade  parfois cocasse et son rythme de  fugue.  On est littéralement emporté,  et on se cramponne  plus encore qu'on ne s'identifie aux personnages si chaleureux,  si humains pour ne pas être emporté avec elle!   Je soupçonne l'auteur de s'y être attaché autant que nous, à ses personnages,  et de s'être échiné à les sauver tous du danger ou de l'opprobre, par amitié pour eux , par empathie. On n'allait pas quand même se quitter sur une note noire!

Même l'arrivée des sinistres  vainqueurs à la messe du père Désiré est une scène  pleine d'audace, de brio et d'insolence,  proprement réjouissante,  alors qu'elle devrait augurer de  cinq années de haine, de persécution et de malheur.

C'est aussi cette subversion du tragique de l'Histoire et d'une de ses pages les moins glorieuses, les plus lamentables, qui fait du livre une étonnante réussite ! 

Je recommande chaudement ce Miroir de nos peines  qui reussit si bien à  les alléger, les distraire et les transformer en épopée joyeuse! 
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