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Critique de Shaynning


"Haut les coeurs" est le quatrième membre de la toute récente famille de romans de la maison Québecoise "D'Eux". Une nouvelle de 41 pages agrémentée, comme ses frères, de très belles illustrations, ici rendues par Elsa Oriol.


Cyprien se rend chez ses grand-parents pour un mois, comme chaque année. Seulement, cette année, sa grand-mère n'est plus là. Quand le garçon, un nuit, souhaite aller boire un verre d'eau, il fait une découverte qui le perturbe.


*Attention - Divulgâche*
Pour comprendre le sens de cette nouvelle, je n'ai pas trop le choix de vous expliquer l'élément surprenant de cette histoire. Voyez-vous, Cyprien constate que la maison de ses grand-parents, normalement entretenue par sa grand-mère, est pourtant toujours propre. Comment l'expliquer, puisque d'ordinaire, grand-papa Gabriel est du genre à créer un bazar autours de lui? Puis, une nuit, il rencontre sa grand-mère, qui faisait le ménage le soir. Il croit à un rêve. La seconde nuit où il surprend sa grand-mère, il réalise qu,il peut lui parler et même la toucher. Elle est un peu différente, avec une voix qui sonnait faux et du maquillage plus que d'habitude. Cyprien finit par reconnaître son grand-père dans ce déguisement. Mais pour lui, ce n'est pas un déguisement. C'est une façon de faire revivre celle qu'il aime - et accessoirement entretenir la maison.


Il n'existe pas de façon unique de faire son deuil. Il est propre à chacun, d'une durée variable et d'une intensité variable. Pour Gabriel, manifestement, entretenir la maison dans les habits de son épouse, était sa façon de survivre à son absence. Ce qui me semble touchant, c'est la façon de ce grand-papa de ne pas se cacher de cette routine singulière face à son petit-fils. Cela traduit une grande confiance. Une confiance qui pousse Cyprien a gardé cela secret.


Je remarque aussi que Gabriel a sous-entendu avoir songer à mettre fin à sa vie. On a encore du travail à faire en matière de détresse psychologique, spécialement chez nos hommes, encore victime des mentalités étriqués voulant que les hommes soient toujours forts. Je pense que Gabriel a su trouver un moyen de garder la tête hors de l'eau avec son projet ménager. Tant que le moyen employé ne nuit pas à l'intégrité physique et psychologique de la personne, peut-on alors dire que le moyen fonctionne et mérite de ne pas être jugé? Je pense également que vu la réaction de Cyprien, qui a donner une forme d'assentiment au projet de Gabriel, a sans doute contribué au bien-être psychologique de ce grand-papa en deuil, parce que dans les moments difficiles, il est bon de savoir que nous pouvons compter sur nos proches et sur leur absence de jugement.


Les illustrations sont jolies, en mine de plomb esquissé sur un canevas au grain visible. Ma préférée est celle de la page 36, quand Cyprien enlace Gabriel avec sincérité. Quand on dit que l'amour est puissant, en voilà un exemple.


Je remarque également que nous avons un effet de contraste dans les rôles de genre. S'il est "bizarre" de voir un homme faire du ménage, être vulnérable et même porter une robe et un fichu, c'est qu'à une autre époque (ou ailleurs dans le monde actuellement) ce sont des caractéristiques "de femme". Si on s'attendait à retrouver la maison de papy en désordre, c'est qu'on s'attendait à ce que le ménage ne soit plus fait, du fait de ne plus y avoir de femme pour le faire. D'ailleurs, c'est la réflexion de Cyprien: il a demandé à son grand-père si une femme venait faire le ménage quand il a vu à quel point la maison était propre. C'est donc d'autant plus important pour le bien-être de Gabriel de ne pas tomber dans le jugement de genre.


Un récit très court, mais qui permet une amorce sur le deuil et sur la complicité relationnelle. Une oeuvre sur l'importance de l'empathie et de la capacité à revenir sur un jugement. Je dis "revenir", car il est humain de "juger", c'est un automatisme conçu pour nous permettre de savoir rapidement à quoi nous avons affaire. Cependant, l'important est de revenir sur nos jugements, de laisser la place à la raison et à l'empathie dans notre réflexion.

Une belle petite oeuvre.


Pour un lectorat à partir du troisième cycle primaire, 10-12 ans ( plus en raison du degré de compréhension requis que pour la longueur ou la difficulté du texte). Je réitère aussi que ce n'est pas parce que c,est un roman classé jeunesse qu'il n'est pas pertinent au adultes.
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