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Critique de CiliaBrux


La rencontre d'Aurélie Lesage est un petit ovni littéraire au charme singulier, hérissé et introspectif. Une oeuvre écrite à la première personne, aux accents mélancoliques, et cependant animée par des percées de joie, d'humour noir et de sauvagerie parfois aussi… Je l'ai lue presque comme un journal intime ou une lettre adressée à l'Autre, celui avec qui cette rencontre doit se faire.

L'héroïne nous raconte avec une spontanéité presque candide sa relation épidermique et angoissante au monde, ses incapacités à communiquer et ces différentes prisons sur son parcours dont elle espère toujours que cet Autre va la délivrer. Elle paraît sans âge, tantôt jeune femme rebelle qui se débat dans la menace permanente d'un contexte pandémique, tantôt petite fille ignorante de la vie, fascinée par la destruction, en recherche de confiance et de repères, à travers un univers corrosif qu'elle tente de décoder.

Peu accoutumée à la littérature du genre absurde, j'ai pourtant été progressivement happée par la quête de recherche de sens de la narratrice et par son univers un peu psychotique voire par moments « autistique », grâce à l'écriture prenante de l'auteure et à la profondeur de ses réflexions sur la nature humaine qui réussissent à créer une sorte d'intimité avec le lecteur.

La rencontre, c'est l'étendue d'une solitude face au reste du monde, le temps y est décliné en différentes alternances, et on perd parfois un peu pied entre présent et passé, souvenirs et réalité. Je me suis laissée prendre au jeu des mots, à cet éparpillement que l'on suit de mieux en mieux une fois qu'on s'est immergé dans cette dissociation qui épouse pourtant une logique qui lui est propre.

La rencontre, c'est une projection et c'est aussi un peu nous, en tant que lecteur, en tant que témoin. le langage y est ramené à sa teneur archaïque, il est question de silence mais aussi d'écriture comme support de la pensée, de cris rentrés. Et la prose en est parfois vertigineuse, parcourue d'hallucinations, de confrontations avec des personnages aux auras particulières et d'une poésie heurtée avec de petits éclats de lumière.

Le roman est parfois un peu trash, avec des passages crus et même cruels, et c'est ce qui le distingue aussi, remarquablement, d'une littérature plus conventionnelle. Il y est aussi question de l'amour et de l'amitié, de l'idéalisation, du besoin de se laisser vivre ou exister.

Au fond, ce livre m'a semblé traiter de la différence et du problème à s'adapter face au bloc du Monde, à travers une critique sociale du manque de liens et de l'âpreté des relations humaines. J'en conseille vivement la lecture, si vous avez envie de vous-même partir à la rencontre de votre Autre et de celui de cette étrange héroïne. Il est édité chez Sinope éditions dans la collection Hors sentier, catégorie qui lui correspond tout à fait.

https://simplement.pro/u/CiliaBrux
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