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Critique de jovidalens


Il y a, dans tout parcours, des années de "passage" estampillées comme telles : l'année du Bac, celle de l'entrée dans la vie professionnelle ou de la naissance du premier enfant. Et puis il y en a une, où tout (ou presque) s'est joué.
Pour l'auteur, c'est l'année où une galerie, offrant ses murs à de jeunes talents, lui passe commande pour une "trentaine de pièces" de "nus de femmes". Cette année là, il commencera à vivre avec celle qui deviendra sa femme, il fera le deuil de son enfance, et il prendra toute la dimension de ce que artiste veut dire.

Très belle réflexion sur la nudité. En se dépouillant de ses vêtements devant l'autre on lui confie le tréfond de son être avec toutes ses faiblesses. Quand en prenons-nous le risque ? En amour et devant la maladie. Mais face à un artiste, cette mise à nu sera exposée aux regards d'inconnus. Comment en tant que spectateur supportons-nous la représentation du nu ? Plus l'artiste est talentueux, plus le "démasquage" est émotionnant, plus nos réactions sont exacerbées (jusqu'à l'envie de tuer ?).

Le "médiateur" de cette mise à nu : son manteau. Protection et révélateur des fragilités.Les jeunes femmes passent ce manteau pour poser devant sa caméra, et c'est ce manteau qui devient l'écrin de leur nudité, de leurs fragilités. Il cache moins qu'il ne dévoile. Tout comme ce même manteau protégera la fragilité de la vieille dame qui l'aime et qu'il aime. Tout comme ce même manteau jeté au hasard sur un fauteuil de son appartement sera témoin de son amour, et tout à la fin, et si inutile, il sera abandonné sur une tombe comme dernier témoignage de tendresse mais aussi de renoncement .

Dans cette oeuvre, c'est aussi la perception des êtres connus depuis l'enfance qui change. Il n'est pas possible de déchiffrer le succès de telle brillante élève uniquement par des données "techniques" et ceux que nous aimons nous perdent dans le labyrinthe de leur pensées ou des phantasmes dont nous les entourons.

C'est aussi le processus de création, de la commande, à la réalisation et à la confrontation au public : le vernissage et les conséquences de l'exposition jusqu'aux conclusions qu'en tirent l'artiste.

Décidément, M. Stéphane Levallois est un grand auteur.
Elégance du trait qui n'épargne rien, au meilleur sens du terme. Aux trois fenêtres de la page consacrée à la visite figée à la grand mère répondent les quatre pages consacrées à la douleur du deuil, de la plongée dans le noir à l'emergence de l'acceptation.
Force du trait comme la femme-flèche en pleine course.

Et toujours, toujours l'empathie et la compassion vis à vis des sujets de son récit.
Il nous raconte une histoire humaine, très bien mise en scène, avec de nombreuses séquences superbes et de savoir-faire et d'émotion.

Sur une île déserte, loin des êtres humains, s'il ne devait me rester qu'un seul moyen de me souvenir de leur société, c'est "Le dernier modèle" que j'emporterai.

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