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Critique de Odlag


Si Cyberland n'est pas un coup de cœur, il n'en est pas moins un bon roman, dont la lecture fut pour moi un voyage très intéressant au cœur du cyberspace.

Bon, pour commencer je vais essayer de résumer à peu près le contexte, vu que la 4e de couverture n'aide pas spécialement à savoir de quoi il retourne.
Dans un futur plus ou moins proche, un scientifique, en voulant élaborer une machine capable de prédire l'avenir (demande du Gouvernement), crée la première Intelligence Artificielle (appelée Chronocryte). Internet évolue alors en Infosphère, une version améliorée du réseau qui permet aux infonautes de s'immerger complètement dans un univers virtuel (appelé Cyberland). Une vague de paranoïa face à la découverte de cette IA porte au pouvoir le Diktrans, un parti dictatorial à forte connotation religieuse, sous prétexte de défendre l'humanité, et son emprise sur les systèmes d'information, contre la possible domination de ce Chronocryte. Ainsi, le créateur de l'IA est secrètement abattu, et tous les utilisateurs et défenseurs de Cyberland sont arrêtés et enfermés dans une prison créée spécialement à cet effet et nommée Asulon.
Le contexte est particulièrement bien résumé sur deux pages au début du roman, ce qui nous permet de bien comprendre notre lecture, même si certains passages peuvent nous perdre quand on ne connaît pas aussi bien l'univers de l'informatique.

Le livre est composé de trois histoires qui évoluent dans ce contexte.
La première histoire est un roman d'environ 200 pages intitulé “Saïd in Cyberland”. Après avoir (virtuellement) envoyé à Cyberland de nombreux militaires qui n'ont jamais repris connaissance, le Diktrans décide d'y envoyer des adolescents (car leur “cerveau en cours de développement est plus malléable”) pour éliminer le Chronocryte de l'intérieur. Ainsi nous suivons ces cinq personnages : Saïd, jeune marocain de 17 ans, petit génie des mathématiques qui cache son manque d'assurance en jouant les idiots ; Louise, jeune allemande de 18 ans, une Humod (les “humods” sont des personnes qui se sont faits poser des implants cérébraux pour mieux naviguer dans Cyberland) condamnée à 15 ans de réclusion pour “piratage et incitation à la collusion avec les machines” ; Alyson, jeune américaine de 18 ans qui déteste les machines et souhaite ardemment œuvrer à leur destruction ; Lu-Pan, jeune chinois de 15 ans, capable de lire le code de programmation de Cyberland ; iNNoKeNTi, clone qui a l'apparence d'un enfant de 10 ans, dont nous découvrirons l'utilité plus tard.
L'histoire est racontée par Ierofan, qui se décrit comme “un logiciel qui pense” (il faut lire pour comprendre tout ce qu'il représente exactement, car cela est trop compliqué à expliquer pour moi) et s'adresse directement à nous, lecteurs. Il peut tout voir, tout entendre (même les pensées des personnages) de ce qui se déroule dans Cyberland. C'est à travers ses observations que nous suivons le parcours de ces jeunes personnes dans cet univers virtuel qui se révèle particulièrement fascinant. Saïd, Louise, Lu-Pan, y compris Alyson et iNNoKeNTi, évoluent et se dévoilent au fur et à mesure de leurs aventures, et s'avèrent alors être des êtres bien plus profonds qu'ils n'y paraissent au départ.
J'ai aimé découvrir cet univers : le contexte me plaisait déjà, mais voyager dans Cyberland fut très intéressant, notamment pour les idées qui y sont développées. Bon, je l'admet, j'ai failli décrocher à un moment car ça commençait à passer en mode RPG. Autant j'adore jouer à des RPG (jeux de rôle virtuels), autant je déteste lire des histoires qui relatent ce genre de jeux. Heureusement les thèmes abordés, tels que la liberté, la quête d'identité, la place de l'intelligence artificielle au sein de la société, l'héritage humain, etc., donne une dimension philosophique très intéressante et actuelle au roman. C'est cela qui m'a permis de continuer ma lecture sans me focaliser sur l'aspect RPG qui s'étale quand même sur une bonne partie du roman. Et je ne regrette en aucun cas d'avoir terminé cette histoire, qui m'a finalement particulièrement plu. En fait, j'aurais même aimé que l'histoire soit plus longue, et que l'on en apprenne davantage sur ce que deviennent les personnages ensuite.

Nous retrouvons néanmoins iNNoKeNTi dans le court roman (environ 75 pages) qui suit : “Asulon”. Cette seconde histoire se déroule, comme son titre l'indique, dans la prison Asulon. Nous y rencontrons les prisonniers, certains condamnés à perpétuité, résignés quant à leur avenir, mais gardant tout de même au fond d'eux une lueur d'espoir que les choses changent. Cet espoir deviendra plus concret avec l'arrivée d'iNNoKeNTi à Asulon. Malheureusement je ne peux en dire davantage sans spoiler l'histoire précédente.
L'auteur continue de développer les réflexions déjà présentes dans la première histoire et, même s'il s'agit d'un texte bien plus court, il n'en est pas moins fort dans sa revendication de la liberté et de sa lutte contre la tyrannie.

Enfin, la troisième (et dernière) histoire est une nouvelle intitulée “Simulation Love”. Nous y suivons un militaire qui doit servir de cobaye dans des simulations de relations intimes virtuelles afin de récolter des informations sur “la part de la sexualité dans les motivations humaines”. J'ai beaucoup moins accroché sur ce point-là, car l'histoire dénote trop par rapport aux deux précédentes. Déjà j'ai un peu de mal avec les nouvelles, car je n'arrive pas à m'attacher aux personnages, que l'on quitte trop vite à mon goût. Mais en plus je n'y ai pas retrouvé ce qui m'avait tant intéressée dans “Saïd in Cyberland” et “Asulon”. Quoique les dernières lignes ont ravivé mon intérêt, qui s'était quelque peu atténué au fil de la nouvelle. Je ne peux pas dire pourquoi sans spoiler, mais cela me conforte dans l'idée que persévérer quand on perd de l'intérêt pour une histoire peut nous permettre d'avoir de bonnes surprises. Une bonne fin peut facilement rehausser le niveau d'un roman moyen (je ne dis pas que ce roman-ci est moyen, hein, je parle en général), car c'est souvent la fin que nous retenons le mieux.

En bref, Li-Cam a créé un univers d'anticipation particulièrement intéressant et fort dans ses réflexions dignes des grands classiques de SF (comme Asimov ou Bradbury). Des réflexions très actuelles qui, même si l'IA n'est pas aussi développée aujourd'hui (elle est quand même en cours), nous concernent et nous poussent à nous interroger, sur nous-mêmes et sur notre société. Déjà que beaucoup pensent que la machinisation nous supprime nos emplois, comment réagirions-nous si une telle IA apparaissait ?
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