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Critique de Soukiang


Comment se remet-on d'une affaire criminelle qui a laissé des traces indélébiles au point de vous faire perdre ce qui vous tenait le plus à coeur dans votre vie ?
La commissaire de Smet panse encore ses blessures quand de nouveaux meurtres sont commis à Lille.
Cette ville qui lui a permis de tout connaître, le meilleur comme le pire.
Mais si le cauchemar ne faisait que commencer ...

Quand vous avez publié un premier roman qui a fait l'effet d'une bombe dans le milieu très prisé du roman policier ou thriller, quand des auteurs ont creusé ou creusent encore et toujours un sillon déjà bien ouvert, faire preuve d'originalité et de singularité pour se démarquer d'autres devient un leitmotiv obligé, comment arriver encore à captiver son public, à éviter des redites, à coller au plus près de la réalité ou pas, tant que la lecture de romans à suspense reste un plaisir paradoxalement coupable à l'idée de découvrir des meurtres pour en mesurer toute la violence et celui de participer à l'intrigue, dans la peau des enquêteurs, dans celle des victimes et surtout celui que l'on ne voit pas, cette figure mystérieuse qui ne cesse d'échapper aux griffes de l'autorité, aux affres de la destinée, à la mainmise de ses démons intérieurs ou encore par la disparition de toute cette logique et lucidité qui finissent par dépérir, au fil du temps, ce qui définit l'être humain dans son essence, son humanité.

Depuis toujours, le bien et le mal sont des notions relevant de l'abstraction tant la frontière qui les délimite demeure flou, rien n'est jamais figé dans une case préétablie, tout reste encore à émerger voire à immerger définitivement dans les limbes de l'oubli, dans cette limite qui peut exploser à tout moment, dans le doute, mieux vaut s'en tenir à l'apparence, à cette vision rassurante pour prétendre évoluer dans une société qui ne cesse de stimagtiser les victimes, d'honnir les assassins sans prendre la peine de toujours comprendre leur psyché, il est plus rassurant de se cacher les yeux et ne voir que le bon côté de la vie, si la mort frappe à votre porte, pourriez-vous la regarder en face ?

Un style vif, le personnage principal, Véronique de Smet, est dans cette phase du déni, de la culpabilité qui la ronge, jour après jour, cette nouvelle affaire peut lui apporter un ressort nécessaire, rebondir pour vaincre ses fantômes du passé mais avec le risque de la faire replonger encore plus, cet équilibre précaire n'est pas sans rappeler combien la fragilité humaine est la source de tous les maux, son association avec une autre enquêtrice venue prêter main forte renforce cette impermanence des choses, dans cette cohabitation naissante et complexe, dans ce duel de non-dits, dans ces étincelles qui risquent de les anéantir un peu plus chaque jour, que les investigations piétinent au gré des maigres récoltes d'informations, l'auteure continue son travail de sape pour éclairer des zones d'ombre de certains personnages déjà entrevus dans le silence des aveux, cette nouvelle histoire prenante et terrible dans ses révélations, il est fortement conseillé de suivre la trame narrative en partant de l'amorce du premier roman.

Le plaisir renouvelé de retrouver cette plume incisive ponctuée de dialogues courts et participant à donner un rythme, si cette nouvelle affaire recèle moins de pages dans la forme, elle n'en reste pas moins du plus bel effet, l'essentiel est invisible pour les yeux, faire triturer ses méninges, embarquer de nouveau dans les rouages passionnants de la psychologie humaine, des deux côtés, tremblements de coeur pour arrimer à bon port, sans perdre le nord, tout peut exploser à chaque page et je confirme cette faculté de l'auteure à surprendre, à chaque page tournée, se prendre au jeu, se recroqueviller davantage dans sa zone de confort qui peut prendre le large à tout instant de la lecture, interpeller sa conscience, briser la loi du silence, caresser les prémices du mal, le poids de la culpabilité et de toute cette engeance qui tournicote dans l'espace clos, les cris des âmes perdues comme les réminiscences d'un passé jamais éteintes.

L'atmosphère de la ville contribue à rendre une intrigue hypnothique, le soleil perce rarement dans cette région frontalière avec la Belgique, les rues pouilleuses rivalisent des endroits lugubres évoqués, l'inévitable désespérance qui prend racine au coeur des protagonistes, dans l'écho des flots de la Deûle si proche, si loin, les spectres qui arpentent le parcours des enquêteurs pour mettre des bâtons dans les roues, il faudra toutes les ressources pour récolter des indices, pour trouver l'aiguille dans une botte de foin, ce sentiment d'urgence devant une situation qui échappe au raisonnement rompu, rien ne sera épargné à personne, si le silence des aveux était déjà frénétique dans sa construction imparable, A fleur de bruine serait sa cerise sur le gâteau tellement rien ne se passera comme prévu, comme le tableau de Gaudi, le parcours jalonné de bombes à retardement risque de décourager et d'entonner le chant funeste du destin plus tôt que prévu ...

L'incertitude, s'imprégner de chaque séquence comme la volonté de toucher d'encore plus près des ombres, de soulever la carapace qui enveloppe tout un chacun, dans ses velleités et naufrages émotionnelles, l'histoire s'oriente alors vers une montée en puissance dans les graves, vers l'inaltérable descente aux enfers ou le purgatoire, le plaisir se transforme en épreuves, la rédemption a un prix, Véronique de Smet et ses acolytes sont-ils prêts à accepter la vérité ?

A voir le double dans ce miroir sans tain, dans cette ambiance chloroformée, les vivants et les morts cohabitent dans un vase clos, comme si les frontières du visible et des mystères de la vie avaient fini par fusionner dans une même étreinte, dans sa dimension onirique et symbolique, se prendre tel l'ange foudroyant et salvateur d'un monde définitivement perdu, il reste toujours cette ultime once d'espoir, de sacrifices à damner les pions de la providence, peut-être un pied de nez à tout ce qui se rapproche le plus de sacralisé, briser des tabous pour enfreindre des lois et des règles afin de redistribuer d'autres cartes.

Bousculer les codes du thriller, pénétrer toujours plus dans l'inconscience des êtres en proie au poids du passé, ce n'est pas le premier livre qui en propose sa définition mais l'auteure a su déjouer les pièges de la redite, de ces longues démarches investigatrices qui enlisent et ralentit la cadence du temps, ce temps qui est le moteur de toutes les vies, un temps pour aimer, un temps pour vivre et un temps pour ... mourir, dans l'écorché vif qui sommeille en chacun de nous, peu ou prou, dans nos peines et traumas invisibles aux yeux, il est des secrets qu'il vaut mieux préserver, ce qui amène alors à l'aspect éprouvé de l'empathie, ce désir de protéger son prochain, qu'il fût sien ou étranger, l'amour peut alors trouver sa voie, dans ce monde de ténèbres et de terreurs nocturnes.

Si vous aimez les polars nerveux, si vous désirez lire un thriller psychologique qui sort des sentiers battus, le week-end se profile, pourquoi ne pas alors faire d'une pierre deux coups en découvrant et le silence des aveux et A fleur de bruine, vous n'en sortirez pas indemne et vous ne lirez plus seulement pour le plaisir de la lecture mais peut-être aussi apprécier encore plus certains aspects de la vie dont je vous laisse le soin d'en sonder les particules dans ces deux romans passionnants et addictifs.

Pour les fans de la première heure, d'abord en juin 2017 quand ils ont pris le risque de découvrir une nouvelle auteure , Amélie de Lima avec le silence des aveux puis en novembre avec la nouvelle version corrigée, c'est comme le vélo, de l'eau a coulé sous les ponts mais ça ne s'oublie pas, retrouver Véronique de Smet et son caractère ambivalent, sa fougue de traquer les meurtriers et de rendre hommage aux victimes innocentes pour leur dernier repos éternel.

Comme pour le silence des aveux, j'attribue sans hésiter un coup de coeur pour cette suite directe, A fleur de bruine, un thriller sans concession et une plume qui excelle de nouveau à rendre une intrigue tortueuse, totalement et définivitement bouleversante dans son aptitude à toucher, si c'était possible encore, à l'âme déboussolée de ses personnages, à créer une ambiance sombre et baignant dans un clair-obscur, à cotoyer de nouveau les abysses du mal ...

❤️❤️❤️

Mention spéciale, une fois de plus, à Inès Bouche pour la superbe couverture ❤️

A fleur de bruine d'Amélie de Lima, le nouveau thriller jouissif de l'auteure du Silence des aveux !!!
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