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Critique de Bequelune


Dans cet énorme roman, J. Little nous emmène voir l'intérieur du régime nazi à travers les yeux d'un de ses officiers supérieurs. Une plongée éprouvante, dense et violente servie par une écriture précise et froide. Si le travail de documentation de l'auteur pour accoucher d'un tel monument est à saluer, la fin du roman est gâchée par une envie de trop en faire.

Le texte commence par une sorte d'adresse au lecteur écrite par le Dr Aue, le narrateur lui-même. On y trouve ce qui semble la thèse du livre : dans des circonstances pareilles, n'importe qui aurait pu commettre les horreurs qu'à commises Aue. Si vous croyez le contraire, que vous auriez été différent, là commence le danger.

Le roman, ensuite, commence fort : les scènes d'exécution de masse et de pogrom dans les villes ukrainiennes sont d'une violence insoutenable. Violence renforcée par la quasi apathie du narrateur, qui se pose des questions mais semble déambuler au milieu des cadavres avec le goût de l'habitude. Cette violence d'emblée, il faut l'encaisser, et serrer les dents : car les premières centaines de pages seront de cet acabit. La campagne d'Ukraine est marquée par des exécutions de masse barbares, chaotiques, dont l'auteur ne nous épargne rien. Heureusement la suite – par moment en tout cas – est un peu plus « soft », si tant est ce mot est un sens dans ce genre de livre. Le narrateur quitte le front direct, et son travail de renseignement l'amène à prendre un peu de distance avec les massacres. Jusqu'à Stalingrad, où on le retrouve à nouveau au front, avec une nouvelle forme de violence. La fin du livre nous amènera jusqu'à l'horreur des camps d'extermination.

J. Little a amassé des quantités incroyables d'informations pour écrire son livre. On sent l'univers maitrisé, l'ensemble est très carré. Malgré la violence, on rentre dans ce livre avec un air de réalité. C'est presque un reportage. Par les yeux de ce narrateur qui va de service en service, de ville en ville, de campagne en campagne, on découvre l'intérieur du régime nazi – que pour ma part je connaissais d'abord écrit par le point de vue des victimes. C'est extrêmement intéressant, et ça met en avant des dimensions qui m'étaient inconnues. Par exemple : le poids de l'administration ou encore les luttes d'influence entre les différents courants du nazisme. J. Little pourtant arrive à dépasser le simple roman historique. Son héros a de la profondeur, une histoire intime qu'on découvre par touche tout le long du roman. Intime et histoire se superposent avec équilibre.

Dans les analyses que portent le narrateur (ce ne sont pas forcément celles de l'auteur), dans ce que le roman montre par les actions des personnages secondaires, j'ai noté 3 idées fortes en cours de lecture :
--- Que n'importe quel homme aurait pu faire ce qu'il a fait à sa place.
--- Que la logique de l'Etat nazi n'était pas foncièrement différente, en nature, de celle des autres Etats occidentaux de l'époque (même ceux qui se prétendent démocratiques). La meilleure preuve étant ce qui a été fait aux colonies (massacres au Congo par les Belges, ou projets de « massacres administratifs » dans les colonies britanniques). L'Allemagne est simplement allé plus loin dans la radicalité de cette violence d'Etat – notamment à cause de l'humiliation post-1ere guerre mondiale.
--- Que le capitalisme s'en est donné à coeur joie dans l'Allemagne nazie. Dans la SS, dans la Wehrmath, l'auteur nous montre comment des individus haut placés ont transformé les institutions étatiques ou militaires en véritables empires commerciaux (avec le pillage des Juifs et le travail forcé des ennemis politiques comme base de l'enrichissement).

Un défaut principal : J. Little a voulu trop en faire, trop montrer et le livre est trop long. Les premières centaines de pages sont magistrales, dures mais bien ficelées. A partir de Stalingrad, quelque chose dérape. On dirait que l'auteur a voulu tout montrer via les yeux de Aue. du coup son personnage se retrouve dans tous les endroits importants, voit tout, s'en sort toujours. Il y a un effet d'accumulation qui fait perdre la crédibilité. le passage par le bunker d'Hitler est une fin qui illustre bien ce phénomène.

A part ce défaut, un livre qui m'a marqué et impressionné de maitrise.
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