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Critique de fulmar


« Les eaux ont beau couler dans tous les sens le sable restera toujours au fond ».
Proverbe géorgien

On s'fait pas d'bile ici, le pays est qualifié pour l'Euro de football en juin prochain pour la première fois de son existence !

Ah oui, la Géorgie fait partie de l'Europe ?
Bah, comme l'Arménie, la situation est Caucase, n'est-il pas ?
Et l'Azerbaïdjan ?
Mais non enfin, pas très chrétien, ça rime avec musulman, faut pas pousser quand même…

La géopolitique et la géographie ne font pas toujours bon ménage. Il y a parfois des ambitions hégémoniques.
Egée comme la mer ?
Je dirais plutôt Noire la mer, très amère même…
Y a des petits pays qui résistent en boule.
Non non, pas la Turquie, c'est un grand pays qui bosse fort. Je parlais de l'Ukraine.
Pas si petit que ça, grand comme la France.
Euh... ça, c'était avant, y a des territoires perdus, enfin, pas pour tout l'monde…

Oh, c'est y pas pareil en Géorgie ?
Tout juste, Transnistrie – Abkhazie, même combat.
Y a une autre rime : Staline – Poutine !
Au fait, il vient faire quoi là-dedans, Staline ?
Il est né en Géorgie.
A force de ramer en Mer Noire, j'en oublierais la baignoire.
Ah oui, le supplice des « terroristes »…
Et aussi la vraie « baignoire bleue » trouvée dans la datcha de Staline.

« J'ai conçu ce roman comme un modeste hommage au peuple indocile et bagarreur de la Géorgie qui, malgré, malgré des siècles d'adversité, reste debout face à L Histoire ».

Vous l'aurez compris, il n'y a pas que la mer qui est noire, le roman aussi.
Et rien de tel que la Géorgie pour y mener une enquête policière sur le territoire d'espions en tous genres.
Petit pays de seulement quatre millions d'habitants, entouré de montagnes et de puissants voisins, entre musulmans et russes, difficile de résister aux assauts expansionnistes.
Sionistes ?
Non, avec deux n, car la haine est double, venant du Nord et du Sud.
On peut comprendre que les Russes aient envie de plus de soleil et de mer, Sotchi c'est trop p'tit ! Soukhoumi et Batoumi, ça fait plus de sable.
Sans oublier tous ces plats en i qui changent du borch : khinkalis, koupatis, tchakapoulis, satsivis, ça change la vie…
Et tous les vignobles loin d'être ignobles, alors pourquoi attendre en vain…


« Il fallait avoir un coeur de montagnard bien accroché pour engloutir de telles quantités de saucisses épicées. Au goût, le koupati rappelait à la fois le boudin noir et l'andouille de Vire. Turpin se dit avec effroi que son taux de cholestérol allait encore faire un bond. le professeur remplit leurs verres de vin doux … »

Seulement, à la fin de l'URSS, toutes ces richesses ont été accaparées par des oligarques qui voulaient se faire une place au soleil.

Et puis ce roman, c'est un polar collector. Publié après la mort de son auteur, décédé brutalement. Renaud Liautey y a séjourné comme ambassadeur.
Et il s'est mis en scène dans ce Caucase à travers le personnage de René Turpin, français attaché à l'ambassade de Tbilissi. Mais il va être vite détaché pour remplacer le consul absent et assister les enquêteurs locaux.

« Nougo Shenguelia n'aimait pas les scènes de crime. C'était moins leur côté morbide que le sentiment d'être arrivé trop tard qui le perturbait. Une scène de crime représentait toujours une défaite. Un meurtre qu'on n'était pas parvenu à prévenir ».

Un citoyen français retrouvé trucidé dans sa chambre d'hôtel. Turpin et Shenguelia vont unir leur force et leurs réseaux pour découvrir quels intérêts le professeur exilé avait bien pu gêner pour finir étranglé par une cordelette de nylon.

Une enquête passionnante, un style fluide et entraînant, des détails minutieux qui nous apprennent la douceur des habitants cachée derrière leur âpreté montagnarde, les banquets et les chants, ainsi que la nature grandiose et intacte malgré le passé soviétique. Avec un personnage principal qui semble emprunter de nombreux traits à son auteur.

«  Il songeait avec mélancolie au moment où il lui faudrait quitter son poste, dans quelques semaines, après quatre années de séjour. Il avait aimé ce pays.
A la violence des moeurs caucasiennes répondait une nonchalance orientale dont on s'imprégnait pas à pas, sans hâte, avec la satisfaction de celui qui vient de loin et qui est bien accueilli ». 

Lire ce roman, c'est faire une halte dans la plus grande ville thermale au monde, Tskaltoubo, abandonnée depuis la chute de l'URSS.
Lire ce roman, c'est faire un voyage dans le temps à la rencontre de l'agent secret britannique Philby.

L'auteur a su allier le véridique et la fiction au point qu'il arrive de ne plus se rendre compte qu'on lit un polar. L'énigme en mode espionnage est pleine de rebondissements, et on apprend tout un tas d'anecdotes sur la vie dans ce pays.

Un an après la parution de ce livre sur l'histoire de la Géorgie, l'Ukraine était à son tour envahie. 20 % du territoire de ces deux pays sont occupés.
Bis repetita.
La Mer noire est saline, la baignoire de Staline, le plein d'adrénaline.

Hommage des parents de l'auteur :

« Toujours tu as affirmé
une irrépressible liberté.

Tu témoignes encore... »
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