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Critique de Enroute


L'essai s'attache à définir la place du savoir dans la société contemporaine, bouleversé par l'irruption de l'informatisation. Celle-ci, en prétendant autonomiser le savoir de l'individu, redéfinit son utilisation. Tandis que jusque là, le savoir était lié à la formation de l'individu, il est maintenant possible de le faire exister sans eux, dans des machines. On se prend à transférer des connaissances dans celles-ci.

Mais on aurait tort de penser que ce que l'on enregistre dans des bases de données se confond avec le savoir : celui-ci intègre des composantes comportementales (savoir-vivre, savoir-faire, savoir-être), que ne reprend pas l'enregistrement de "quantités d'informations", qui est la forme d'enregistrement des connaissances : seule la connaissance scientifique s'y prête facilement. A l'opposé, l'autre grand pan de la connaissance, la connaissance narrative, échappe aussi à la traduction en quantités d'informations.

Lyotard prévoit que l'informatisation des sociétés amènera une exigence de transparence de la connaissance, assimilée à la seule connaissance scientifique, et que cette exigence affaiblira la puissance publique, toujours acculée à plus de "transparence" et débarrassée de la connaissance narrative, ce qu'il nomme les "grands récits". Il s'ensuivra une fragmentation de la société, une explosion des échanges de la connaissance qui, parce qu'éloignée de la formation, ne sera plus réductible à un savoir nécessaire à la construction de la société.

Suivant les schémas financiers, elle se scindera en connaissance d'investissement (pour les décideurs) et en connaissance d'échange (pour acquitter sa dette envers la société). En perdant en partie sa valeur d'usage et ramené à une connaissance vérifiable et prouvable puisque scientifique, le savoir informatisé affaiblira le lien social et sera responsable de la redéfinition du rôle de l'Etat. le contrôle de l'information deviendra un enjeu essentiel pour la domination mondiale. La question ne sera pas qui décide, mais qui "sait", et ce "qui" pourra ne pas être une structure publique.

Ecrit en 1979, on est surpris de tant de (post)modernité. Changeons "IBM" par "Google", "connaissance" par "information", le monde décrit est pleinement le nôtre. Cependant, l'essai ne se veut ni pessimiste ni optimiste, traçant seulement des conséquences prévisibles à partir d'une évolution technologique. La lecture de l'essai nous permet de prendre de la hauteur sur les questions actuelles et la place du "savoir-connaissance-information" aujourd'hui.
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