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Critique de lafilledepassage


J'entame - avec ce très beau récit - le mois consacré à la littérature belge, dans le cadre de l'opération « Lisez-vous le Belge ? », renommé de ma propre initiative en « Lisez-vous la Belge ? »

L'auteure nous raconte la courte vie de son frère adopté avec beaucoup de tendresse, de justesse et de pudeur aussi. Voici la résumé qu'elle fait de cette vie :

« Il est venu de loin.
Il n'avait dans ses poches ni miettes ni cailloux,
Rien qui lui permette de retrouver son chemin.

Il a pris son visage entre ses mains,
Il l'a déposé sur une toile,
Et il est reparti ».

Elle nous parle de racisme ordinaire, de la blessure d'être arraché à ses racines, de l'impossibilité (peut-être) de se construire sans elles, de ce déchirement insurmontable d'avec la mère biologique qui est restée au pays. Elle nous parle aussi de la difficulté d'être artiste, de vivre sa vie quand celle-ci n'est pas conforme aux attentes de la société, et de la douleur de voir son frère, son enfant, son conjoint se battre avec ses démons, se sentir si peu adapté, si seul, si désemparé… La disparition brutale, et ensuite la recherche de signes, de signification. Des indices qui nous maintiennent en vie, dont on pourra tirer du sens, à défaut d'avoir une explication. Car « à travers le néant, son visage fait signe », et le fera tant que nous serons vivantes.

C'est délicat et onirique, doux et puissant, intime et universel. L'occasion pour l'auteure de rendre aussi un très bel hommage à ses parents - qui ont éduqué quatre enfants - notamment à sa maman, dont elle devine la fatigue et les angoisses, malgré la disponibilité et l'abnégation.

Livre-thérapie, aussi peut-être, pour un deuil difficile, impossible. Car « avec les mots l'horizon se peuple de végétation et d'oiseaux, de visages, il se reboise enfin pour offrir un refuge. À chaque pas, un arbre, sous chaque mot une racine. Je prendrai soin des terres arides de ne pas avoir été aimées à la mesure de leur étendue. » En tout cas, livre-questionnement : « Ce qui m'intéresse depuis le début, c'est ce qui échappe au langage. le vide entre les mots trace un chemin. ». Ce qui bien sûr en fait un livre où chacun d'entre nous pourra se reconnaitre.

À noter aussi les magnifiques illustrations du frère disparu. Mais ce que j'ai adoré, vraiment, c'est le style de Mabardi. Un style très personnel, tout à la fois oral et très organique. J'ai eu l'impression d'entendre l'auteure respirer, de lire cette respiration. C'est une expérience très étrange. Certains passages occupent plusieurs pages, d'autres tiennent en une seule phrase. Un peu comme l'inspiration, ou l'énergie, qui n'est jamais identique d'un jour à l'autre.

Une très belle découverte et un coup de coeur assurément.
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