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Critique de Costes93


Ce que pèsent les mots est un ouvrage de linguistique à destination d'un jeune public.

Il est rare d'avoir des documentaires linguistiques pour les ado et en ce sens, c'est une excellente initiative. L'auteur est linguistique et agrégée de lettres, c'est super d'avoir quelqu'un de qualifié pour aborder un thème si peu exploré. Les textes sont courts et parsemés d'illustrations sommaires. Quelques thématiques abordées : surnommer, les insultes, les variations diaphasiques (les niveaux de langue), les accents.

J'ai par contre été très surprise de la manière dont sont abordées certaines questions : l'auteur juge constamment ; la première attitude du linguiste c'est l'observation, jamais le jugement et là malheureusement, c'est constant.

Des prises de positions politiques et discutables, des opinions et des généralités toute tranchées et finalement peu de place aux questionnements. On défend des opinions sous couvert d'expliquer la linguistique.

Quelques exemples : "ce sont des personnes blanches qui produisent des agressions racistes contre des personnes non-blanches", vérité générale, tous les Blancs sont des racistes agressifs. La question du racisme est abordée très brièvement, alors que dans la réalité, on parle de plusieurs définitions du racisme et c'est un mot qui fait couler beaucoup d'encre.
Ou encore "si on dit "Black", c'est qu'on a un souci avec la question raciale, c'est qu'on est mal à l'aise". Donc une personne à la peau noire qui se définit elle-même comme "Black" c'est quoi ? de l'autodiscrimination ? de l'autoracisme ?
Un très gros paragraphe sur le "il/elle" relatif aux transgenres, sous-entendu, les femmes qui se considèrent comme des "elles" et les hommes comme des "ils" ne sont pas normaux car tout le monde doit être en quête d'une identité nouvelle. Évidemment le livre est rédigé en écriture inclusive, d'ailleurs une citation en est extraite afin de servir le propos "l'écriture exclusive c'est moche", sous entendu, ceux qui sont d'accord avec cette affirmation sont forcement partisans d'une société patriarcale. Je pense que la question de l'acceptation de l'écriture inclusive est plus complexe : on demande de changer graphiquement des mots, ce qui va à l'encontre des règles grammaticales établies depuis le plus jeune âge et on juge ceux qui refusent de le faire.

Quant au chapitre sur "une langue une nation" l'auteur prend l'exemple de la Suisse qui partage plusieurs langues en omettant de stipuler tous les problèmes que cela pose. D'ailleurs, elle parle également des langues régionales mais ne fait que de brèves allusions au picard/ch'ti qui est la langue régionale la plus discriminante du territoire puisque toujours perçue négativement. Bizarrement, pas d'insistance dessus. J'ai particulièrement "aimé" l'exemple de l'instituteur qui dit à Ahmed qu'il s'appellera désormais "Amed" sans le "h", décidément, ces enseignants ne sont bons à rien, d'abord ils enseignent une grammaire rétrograde mais en plus ils sont racistes et franchement malveillants. Évidemment, pas de mention d'enseignants qui travailleraient sur l'égalité homme/femme à travers les mots et les oeuvres, nan ici on retiendra uniquement le négatif (d'ailleurs l'instituteur m'a tout l'air d'être un "il", symbole d'un patriarcat vieillissant, surtout quand seulement 15% des enseignants du 1er degré sont des hommes ). Étrangement encore, pas d'exemple sur les méthodes d'enseignement au Maghreb ni dans d'autres pays du monde. On prend les exemples qui servent uniquement son propos, très scientifique tout ça !

Le passage concernant l'évolution (ou la non-évolution) de la langue est intéressant puisqu'il présente enfin deux avis.

L'auteur parle également de N. Musenga, la jeune femme décédée en 2018 faute d'intervention du SAMU en en faisant une interprétation personnelle : ça serait en raison de son accent, pas du tout à cause du fait que le SAMU reçoit des tonnes d'appels ne nécessitant pas l'intervention d'un médecin et que son personnel est épuisé. Pourquoi voir de la linguistique là où la raison est multifactorielles ? Très réducteur tout ça.

Et un petit dernier pour la route, concernant le langage SMS "les personnes qui pratiquent ce "langage" ne sont pas plus fainéantes que les autres... elles sont parfois même plus créatives". Je ne vois pas comment on peut écrire ça, sincèrement. Les gens qui écrivent en langage SMS le font pour aller plus vite (donc par flemme) et/ou parce qu'ils ne maitrisent pas les règles de la langue. Pourquoi chercher des excuses et parler de créativité ?

Quelques points linguistiques bien abordés mais le reste est truffé d'opinions personnelles et/ou politiques et ça gâche vraiment l'ouvrage. Et surtout, ce qui m'embête, ce sont les jeunes qui vont lire ça et prendre ces propos pour argent comptant alors que ce ne sont que des points de vue. Dommage, dommage, davantage d'objectivité aurait fortement amélioré la qualité de l'ouvrage.
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