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Critique de encoredunoir


Dessaignes, traducteur qui a roulé sa bosse des États-Unis à la Russie, a fini par échouer à Sébastopol auprès de la femme qu'il a voulu suivre, mégère rongée par une jalousie maladive. C'est là, alors qu'il végète dans un appartement lépreux, alternant travail physique abrutissant, lecture de poètes russes et cuites à la bière et à la vodka sous une canicule étouffante, qu'il est contacté par des amis plus ou moins perdus de vue (et surtout plus ou moins amis). Ex- facilitateur d'ONG, Dessaignes pourrait en effet leur être utile en tant que contact à Kiev afin de surveiller une soi-disant épidémie de syphilis pour un laboratoire allemand soucieux de s'ouvrir un nouveau marché à l'Est.

Avec Milieu Hostile, Thierry Marignac nous entraîne dans une plongée étouffante dans un Far East européen qui n'a pas perdu la mémoire et les réflexes de l'ère soviétique tout en s'ouvrant au capitalisme sauvage. Des lieux où la violence est ordinaire et où les soi-disant valeurs morales occidentales n'ont plus cours et laissent place à un fatalisme teinté d'opportunisme. Des lieux où l'occidental le plus aguerri, à l'image de Dessaignes, marche toujours sur un fil et risque à tout moment de basculer et d'être englouti dans ce qui lui apparaît parfois comme une dimension parallèle. Et c'est avec fascination que l'on observe la manière avec laquelle le traducteur tente de se faire invisible et de naviguer aux limites de cette autre dimension que décrit Marignac d'une manière à la fois âpre et poétique, lui conférant ce statut qui frôle parfois le fantastique par la grâce d'une subtile distorsion de la réalité. Bref, un milieu des plus hostiles.
Sauf que. Crimée, Ukraine, Biélorussie… là n'est peut-être pas justement le milieu le plus hostile. Celui dans lequel naviguent les « Sang Bleu », ces anciens compagnons de Dessaignes héritiers de noblesses d'Empire, initiés en Ex-Yougoslavie au trafic de médicaments et reconvertis dans les services de renseignement où l'industrie pharmaceutique, est loin d'être le plus rassurant. Faisant peu de cas de la vie humaine, d'autant plus si elle se trouve dans un hôpital ukrainien à la dérive ou un dispensaire indien, il n'a rien à envier sur le plan de la violence à celui dans lequel fraye Dessaignes et n'a même pas pour lui la moindre dimension poétique. le monde de l'Est que décrit Marignac est violent, certes, mais aussi humain. Celui des « Sang Bleu » perd chaque jour un peu plus de son humanité.

Étouffant, âpre et désabusé, le roman de Thierry Marignac ne caresse pas le lecteur dans le sens du poil. Complexe, infiniment complexe même parfois, tant le trafic qu'il décrit l'est, il a par ailleurs une qualité qui tend à se raréfier : il compte sur l'intelligence du lecteur. Il se mérite et nécessite une attention sans faille. Il vaut sans conteste que l'on s'y arrête. On en sort fatigué, un peu moins bête et avec des images d'une belle violence romanesque plein la tête.

Lien : http://encoredunoir.over-blo..
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