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Critique de nadejda


J'ai fait une première lecture de ce livre puis une seconde pour le plaisir des mots, pour en apprécier le fumet et la saveur.
D'abord, il y a la vieille et puis il y a le chien, Diurc. Ainsi est-il nommé par la vieille. La vieille elle, n'a pas de nom. Diurc c'est Duc. 
«La vieille a de la peine à dire certains mots. On ne sait d'où lui vient qu'elle prononce gamion camion et diurc duc. Elle déforme, gauchit la parole ; le patois local sans doute y est pour quelque chose, qui insuffle au français des sonorités nouvelles, l'empreint de son argile»

Diurc est un bâtard «d'une vaste laideur de chien déformé par les aléas de son existence» qui erre dans les rues de la ville haute où habite la vieille et se précipite dans ses jambes dès qu'elle sort. La nuit de Noël, elle a pitié et le laisse l'accompagner et s'installer chez elle.

Puis apparaît le troisième larron Olivier marquis de Cruid, qui vit retiré dans son domaine ne sortant que pour des courses au supermarché et l'achat de quelques livres de linguistique car Monsieur de Cruid s'intéresse «à la métaphysique du langage et veut savoir d'où vient que les hommes parlent». Les chiens aussi parlent, du moins Diurc.

Et ces trois-là, vont se trouver réunis par une lettre de la vieille au marquis dont elle prétend avoir accueilli Duc, son chien perdu. Ils vont aller à la rencontre les uns des autres mais leur lien c'est avant tout la langue, la manducation de la langue, la langue qui n'est pas étrangère au corps mais au contraire y est intimement mêlée, la langue qui est cri, rythme, la langue qui est en train de se perdre, de perdre en richesse.

Il y a des scènes inoubliables férocement drôles, comme la messe de minuit, violentes ou d'autres pleine de poésie comme la scène où le rosier pleure ses pétales sur la vieille en train de plumer le poulet qu'elle vient de tuer. Poésie mais avec une part inquiétante. Cette rose vivante apparaît comme menaçante «on aurait peine à voir ce qui, dans les soubresauts de la fleur, la travaille en trèfonds, comme elle engoule l'air doux, le lèche, le suce, et tellement le reçoit qu'elle tremble jusqu'aux moelles : et c'est, végétale, cette matière qui prend du pied jusqu'à la cime, s'ébroue comme une chienne au sortir de l'eau, libère sa sève.»

Au final ce conte, cruel parfois, est un grand déploiement de langue, une orgie de mots et de vie que je n'oublierai pas.

Encore un grand merci à Moustafette et la ruelle bleue pour m'avoir donné envie de découvrir ce livre et cet auteur.
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