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Critique de Alalettre


C'est une envoûtante histoire de fils à naître au crépuscule de la mère, « tombé vivant comme elle est tombée malade », parcours initiatique inversé où l'ivresse immobile des maux reconstruit les errances, transgresse le récit, resserre les plaies ouvertes par les bosses de la vie, ouvrant un destin qui renoue avec ses racines après que le narrateur eut cultivé « la nostalgie non de ce qui avait été mais de ce qui allait être, du lieu à venir, de l'arrivée définitive », à bon port, enfin. Un livre en suspensions…
Le dernier ouvrage de Jean-Luc Marty, Une douleur blanche, est un brûlot à coeur ouvert. L'homme – le fugitif –, la trentaine, revient de son carré de Brésil adoptif sur les terres maritimes de son enfance pour y retrouver sa mère, malade et mal oubliée, tout comme la mémoire du père pêcheur, parti il y a longtemps faire « son trou en mer ». Sur la route qui traverse le marais, l'étrange et fascinante Karmel, auto-stoppeuse de nuit, monte dans sa voiture pour entrer dans sa vie et ponctuer le récit, l'erratique quête de l'enfant bien décidé, cette fois, à naître au présent d'un retour, au rythme syncopé d'un coeur qui bat les contretemps. Il peut alors se laisser prendre par le silence, où « ça se bouscule, ça bruisse, ça se cogne aux parois de la tristesse ». Et par l'étreinte perturbante de l'inconnu(e).
Elle dit : « je ne suis pas sûre d'aimer où tu es. »
Nous si, dans le mystère de l'être et de ses ombres, durant ces heures qui passent, « insomniaques », à l'ampleur durassienne, lorsque « peut-être, à un moment du mal, la peur est un état qui n'a plus les moyens de se dire », dans un espace « ouvert au rude jeu de vivre » depuis que le corps « s'était employé à combler le vide » et que le « vocabulaire s'était logé dans l'articulation du geste ».
On aura compris qu'Une douleur blanche est d'abord un récit de voyage qui s'autorise l'effacement de toute frontière entre le soi et l'autre. C'est aussi un récit de bâtisseur avec ses bois flottés, échoués, ramassés puis triés, travaillés, rendus à l'art immobile d'une obsession artistique. C'est un récit de navigateur entre Brésil et Bretagne, au participe présent, conduit de main de maître par un auteur unique dont l'écriture se nourrit des « battements de coeur du réel », toujours surpris par « l'écart possible entre ce qui se dit, se voit de prime abord et la nature profonde de ce qui se trame véritablement au dos des êtres. » Et pourquoi pas aussi, comme ça, en passant, pour parvenir à nommer l'indicible, au dos de l'émoi des mots…
On ne sort pas indemne de cette lecture, mais porté, puis transformé par la vague enivrante de ces bouillantes divagations de l'âme.
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