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Critique de Garoupe


Par petites touches, tel un peintre impressionniste, Sylvie Matton raconte la véritable histoire de Patrick qui à l'âge de 12 ans et tombé en pamoison devant un tableau de Rembrandt, le garçon à la bulle de savon, exposé au musée municipal de de Draguignan.

En 1999, à l'âge de 27 ans, il décide de voler le tableau. Cette décision relève plus de la pulsion, d'un besoin impératif de posséder l'oeuvre pour lui-même que de la cupidité. Il a noué au fil des visites un véritable lien avec l'enfant du tableau auquel la mère de Patrick, qui lui a fait découvrir la peinture, lui a trouvé une forte ressemblance. Il voit d'abord l'enfant comme un frère. Tandis qu'il grandira et que l'enfant restera enfant, il mettre ensuite dans cette relation quelque chose de paternel.

Il est d'ailleurs constamment question de figure paternelle tout au long du livre. Celle du père de Patrick, dans la première partie, puis celle que sera Patrick pour son fils, dans la seconde partie. Sylvie Matton procède par aller-retour entre l'enfance de Patrick avant sa rencontre avec le tableau, le développement de sa relation avec l'enfant (et le peintre) et le jour du vol.

Il y a donc un lien fraternel et filial qui finit par s'établir entre Patrick et l'enfant du tableau, un lien absent de l'enfance de Patrick. Patrick discute avec l'enfant, lui confie ses doutes, ses problèmes, il communique avec lui pour compenser l'absence de communication qu'il a vécue dans sa famille : violence et alcoolisme du père, silence des soeurs et de la mère…

Sylvie Matton fait de cette enfance le passage obligé de Patrick vers un état de dépendance total vis-à-vis du tableau et du lien qui les relie. de son enfance au vol du tableau en passant par son incarcération, son travail dans une société de sécurité, la création de sa propre entreprise), tout semble concourir à cet acte inévitable de l'appropriation du tableau.

Les pages où Sylvie Matton fait se rencontrer la vente aux enchères des affaires de Rembrandt organisée pour rembourser ses créanciers, le récit du vol du tableau et l'enterrement de son père pendant son incarcération en préventive sont parmi les plus belles, les plus intenses et les plus intelligentes du livre qui en regorge.

S'approprier le tableau et donc l'enfant est pour Patrick, alors adulte, un moyen de prendre la place d'un père qu'il a détesté et de se réapproprier aussi sa propre enfance en s'y plongeant comme dans un miroir qui refléterai son passé.

Entre temps Patrick fondera une famille fondée sur le mensonge perpétuel, Patrick cachant à sa femme puis à son fils l'existence du tableau qui deviendra une source obsessionnelle proche de la folie, Patrick imposant à sa famille une succession de déménagements à cause des risques de vol d'abord, des termites ensuite qui pourraient détruire le tableau, et de l'humidité enfin qui pourrait abîmer la structure de l'oeuvre de Rembrandt. Au point que Patrick en viendra à rendre le tableau, 15 ans après l'avoir volé, 30 Ans après avoir débuté avec lui une étrange relation.

Il n'est pas étrange que Sylvie Matton se soit attachée à cette histoire si particulière, elle qui a écrit sur Rembrandt, qui a scénarisé le film sur Rembrandt réalisé par son mari ( ?), sorti quelques semaines après le vol du tableau par Patrick qui mettra 7 ans à le voir. Elle le fait donc avec une tendresse proche de la fascination et un style à la fois épuré et englobant toute la palette des sentiments de Patrick.

Ce livre est touchant, prenant, envoûtant, un moment d'une grande sensibilité qui a effectivement quelque chose qui nous touche tous, moi au premier rang… j'ai toujours dit que si je devais un jour voler un oeuvre d'art, ce serait une sculpture de Giacometti !

Lien : http://wp.me/p2X8E2-hS
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