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Critique de StCyr


Le présent livre est un documentaire littéraire, qui se propose de porter la voix des déclassés de la politique économique radicale du thatchérisme. Loin de prétendre à l'objectivité universitaire ou à une fallacieuse neutralité journalistique, Robert McLiam Wilson avait pour but premier d'atteindre à une forme d'incarnation de la paupérisation par le biais de témoignages pris sur le vif et en s'assurant de la collaboration de Donovan Wylie, un photographe prometteur chargé de saisir avec son objectif une certaine vérité que les mots semblent incapables de traduire. A plusieurs reprises l'auteur conclut à l'échec : la tâche dépassait de beaucoup ses capacités de résistance, la multiplicité des situations critiques le submergeait, certaines parties étaient écrites beaucoup trop vites, d'autres trop lentement et toujours planait l'écueil ultime : faire de la littérature. Mais la faiblesse pressentie du présent document atteste de sa véracité, le côté disparate et décousu porte témoignage de la matière vivante étudiée et de l'investissement personnel des deux enquêteurs. le projet initial était un triptyque dont l'élaboration comprenait des séjours dans les quartiers les plus déshérités de Londres, Glasgow et Belfast. Après deux mois à Londres, McLiam Wilson rétamé, fait faux bond à Donovan Wylie et lui demande d'investir seul Glasgow, le photographe tenant un journal. Cette partie est donc son oeuvre et apporte un contraste rafraîchissant, un côté pris sur le vif : moins de témoignages, des relations plus poussées avec quelques personnes attachantes. Enfin les deux auteurs se retrouvent à Belfast, leur ville natale et c'est logiquement la partie la plus fouillée qui prend des allures d'essai et d'analyse sociologique de sa population. Alors certes le présent documentaire ne vise pas à l'exhaustivité et ne s'appuie aucunement sur des données chiffrées, l'auteur dénonçant par ailleurs la vaste entreprise de manipulation éhontée des statistiques concernant le chômages et la pauvreté dont les gouvernements successifs de la Dame de fer se sont rendus coupables. Mais tout de même chaque portrait des personnages apporte un éclairage sur les facteurs aggravant de cette appauvrissement et qui dépassent les considérations macroéconomique, tels les accidents de la vie, les situations familiales, les addictions, les troubles mentaux, le climat politique, l'héritage historique, les dissensions religieuses, un urbanisme pensé en dépit du bon sens... L'auteur rend aussi un hommage appuyé aux femmes : " Les femmes rendent la pauvreté supportable. Sans les femmes, la pauvreté serait plus intolérable qu'elle ne l'est déjà. La pauvreté risquerait d'entraîner un effondrement complet. Les hommes ne faciliteront jamais la vie des femmes".

Les Dépossédés est un livre saisissant, qui colle au réel autant que le permet l'écriture et qui est remarquablement illustré. Point de misérabilisme ni de recherche du sensationnel dans cette plongée chez les sacrifiés du libéralisme anglo-saxon. Juste une oreille attentive, du tact dans l'écriture et un regard vigilant. Poignant et fascinant, une très belle découverte, une parenthèse bienvenue pour l'amateur de roman.
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