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Critique de iletaitdeuxfoislhistoire


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8 ❤ /10

Voici un roman autobiographique contemporain que j'ai étudié en cours de littérature comparée sur « L'écriture de la honte dans les récits d'enfance » .

Dans La statue de sel, Albert Memmi peint un espace et un temps en rapport avec la colonisation française en Afrique du Nord. C'est dans ce contexte que le narrateur va chercher à se définir et à trouver son identité. Or cela n'est pas simple quand on sent rejeté par toutes les communautés dans lesquelles on s'identifie. le narrateur est tout d'abord juif dans un pays majoritairement musulman. Il est difficile pour lui de vivre son judaïsme car il ne sent pas en adéquation avec les pratiques ancestrales. Il les trouve absurdes pour lui qui va à l'école. Il pratique sa foi en marge et cela dérange. de plus, il est né en Tunisie mais sa mère est séfarade, il ne se sent donc pas complètement tunisien. Ensuite, suivant l'école en français, il se met à admirer la culture française et à rejeter l'Orient malgré son accent et son nom. Cela sera un vrai combat pour lui d'accéder au savoir en tant que simple fils d'artisan. Quand il veut, pendant la seconde guerre mondiale, combattre du côté des Français et de la Résistance, on le rejette car son prénom ne fait pas « assez français ». du côté de l'appartenance à une catégorie sociale, il n'est pas aidé non plus. Ni vraiment pauvre il doit donner ses vêtements à des enfants plus pauvres, ni riche, il ne peut pas s'acheter de chocolat avant l'école comme ses camarades. Dans son quartier il a une situation correcte mais à l'école il est pauvre. Alors comment se définir en étant aussi tiraillé ?

Dans la préface, Camus écrit « le curieux sujet du livre qui est aujourd'hui offert au public, c'est justement l'impossibilité d'être quoi que ce soit de précis pour un juif tunisien de culture française. »

La vision rétrospective du narrateur est instructive sur ce tiraillement. A travers le regard d'adulte on comprend ce que le petit garçon, lui, ne percevait pas comme les raisons politiques, sociales ou religieuses. On trouve donc dans ce roman une coexistence des communautés diverses et une mosaïque sociale et entre celles-ci des relations ambiguës d'attirance et de rejet, d'amour et de haine.

Dans la dernière partie intitulée « le Monde« , le roman prend une tournure tragique. le narrateur raconte son expérience pendant la Seconde Guerre mondiale en Tunisie. Je ne savais pas à quel point la Seconde Guerre mondiale avait impacté la Tunisie (et donc sûrement bien d'autres colonies). Je trouve que cela est bien dommage que ce ne soit même pas abordé à l'oral dans l'enseignement secondaire. J'ai donc appris avec stupeur qu'ils subissaient, comme en France Métropolitaine, un couvre-feu, l'enfermement dans des camps de travail, les arrestations de juifs, la violence des SS ainsi que celle du régime de Vichy et bien d'autres atrocités.

Comme, il l'explique lui-même dans l'oeuvre, l'écriture de ce livre est salvatrice : « pour m'alléger du poids du monde, je le mis sur le papier ». Se trouver et se guérir sont l'Epreuve de sa vie.

Au bout du compte, ce fut une lecture instructive, éprouvante et émouvante. Albert Memmi possède une qualité d'écriture qui m'a totalement absorbée. Je suis ressortie différente de cette oeuvre, déchirée face à toutes ces injustices, mais aussi touchée par la grande différence entre nos deux vies aux mêmes âges.

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