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Critique de Enroute


Intéressante synthèse par le Collège de France du traitement des données massives de nos jours.

On y apprend que Google scanne tous les mails de ses utilisateurs (gmail), établit des profils de personnes et vend les données pour des envois de publicité ciblés selon le contenu des mails, que le gouvernement des Etats-Unis a un accès direct à toutes les données des plateformes des géants du web (PRISM), que des sociétés sont spécialisées dans la vente de fichiers sur des thèmes précis (les personnes atteintes de telle maladie grave ; les personnes crédules, etc.), que toutes nos actions sont tracées sur le net et ailleurs (smartphone, carte de fidélité, on pourrait ajouter box télé et liseuses), que toutes les phrases prononcées à Siri et Androïd sont écoutées, que des "raters" travaillent en home office dans l'anonymat pour évaluer les algorithmes informatiques quand ceux-ci peinent (il leur est interdit de dévoiler ce qu'ils font vraiment, ils ne savent pas qui est leur employeur, ils ne connaissent pas les autres "raters"...).

Et depuis peu, chez moi, il faut entrer sa plaque d'immatriculation dans l'horodateur pour obtenir un ticket de stationnement... On n'arrête pas le progrès.

Modestement, les utilisateurs créent plusieurs comptes sur les réseaux sociaux, entrent de fausses données ou anonymes, si bien que les données sociologiques ne sont malgré tout pas limpides à analyser. On ne sait donc pas encore si le mouvement de traitement des données en nombre, initié par les travaux de Durkheim à la toute fin du XIXème siècle par une coopération avec l'Etat pour la fourniture des données, puis relayé dans l'entre-deux-guerre aux Etats-Unis par la création des instituts de sondage et la création de l'opinon publique, trouvera un développement en sciences humaines dans la création des outils de suivi des "réplications" (phénomènes de citations/répétition/diffusion des mêmes messages sur les résaux) et une coopération avec les GAFA.

Certaines phrase inquiètent tout de même : "les individus sont en fait traversés par les idées, et les idées "nous agissent"". C'est qu'en effet l'utilisation des données à grande échelle se justifie totalement d'un point de vue naturaliste qui prétend que l'être humain agit causalement, qui nie l'existence de la pensée et de la raison au bénéfice de la logique consensuelle et du mimétisme social. Ces considérations sont au coeur de la pensée analytique anglo-américaine pour laquelle les individus sont assimilables à des ensembles de données exhaustives façon monadologie de Leibniz. On trouve en effet un peu plus loin : "l'approche par les réplications est alors une entrée vers une monadologie" p.179. On comprend alors que l'enjeu international sur l'utilisation des données n'est pas considéré de la même façon selon que l'on se trouve du côté cartésien ou analytique de l'Atlantique (qui est le même que le côté oxonien de la Manche).

Mais le fait que peu de mentions de travaux politiques (même si l'ouvrage n'a pas vocation à parler de politique) soient incluses au bénéfice d'une conscientisation (les utilisation des données ; Etats-Unis et Irlande pointés du doigt) aurait tendance à montrer le retard de la politique sur ces sujets.

Si bien que ces données-ci sont maintenant librement disponibles pour l'éternité pour tout exploitant de données de masse issues de plateformes de critique littéraire...
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