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Critique de meeva


meeva
24 novembre 2014
Au mariage de Kévin et d'ma soeur, y'avait le frère de Kévin et un de ses cousins je crois, qui se sont mis à faire des blagues dès le début du repas :

« Que dit un oiseau qui passe au-dessus d'un camp de concentration ?
- …
- Il dit « cui-cui… »
- Ahahahaahahah… je m'en rappelais plus de celle-là. C'est vrai qu'on peut plus faire de blagues sur les juifs. »

Alors je leur dis :
« Vous savez, en fait, il n'y avait pas d'oiseau au-dessus des camps de concentration. Ils fuyaient la fumée trop épaisse des fours crématoires. Et puis, ce n'était pas que des juifs dans les camps de concentration…
- Parle pas d'racisme, parce qu'on va pas être d'accord. T'as dit toi-même d'ailleurs qu'ils étaient pas forcément juifs, gueule le frère de Kévin.
- Ben ouais j'ai dit ça, c'est pas la peine de gueuler.
- Ce qui est sûr par contre, c'est qu'ils se sont pas révoltés, ajoute le cousin. Attends ! Des milliers avec juste quelques gars en face d'eux, ils devaient pas avoir beaucoup de couilles les déportés.
- Tu confonds, c'est pas les couilles qu'on leur a coupé, hein… c'est pour ça que c'était des glandus, ahahahha…
- Ahahahaha »



Bon, cela dit, ce sont des questions que je me suis déjà posées :
Pourquoi n'y a-t-il pas eu de révoltes dans les camps ? Pourquoi n'y a-t-il pas eu des évasions à grande échelle ? Pourquoi ne pas avoir assassiné leurs « geôliers », perdu pour perdu ?



Jean Michel raconte. Et c'est un récit très bien construit.

Son arrestation, en août 1943 car il fait partie de la résistance.
Au départ, tout cela paraît un peu irréel. Il ne sait pas où il va être emmené. Il pense que ce sera un camp de travail, avec une discipline assez stricte.

Les premiers qui essaient de s'enfuir sont abattus, purement et simplement. En plus, au début, il y a beaucoup de soldats pour encadrer les prisonniers, un tous les deux mètres.

La première descente dans l'horreur, ce sont les trains pour aller en Allemagne. Entassés à 120 par wagons, avec un baril de métal surmonté d'une planche pour pisser et chier pendant le voyage. Beaucoup essaient de s'éloigner de cette puanteur quand d'autres essaient au contraire de s'en approcher pour leurs besoins.
Et il est vite plein alors, dans les tournants, il se renverse sur les malchanceux qui l'entourent.
Certains wagons sont en bois et l'air entre par les interstices. D'autres wagons sont en fer. Dans l'un de ceux-là, 80 sur les 120 qui l'occupaient sont morts asphyxiés.

Jean Michel arrive à Buchenwald. Dont on ne s'échappe pas. Même s'il y a une exception. Mais beaucoup essaient. Ils sont repris et torturés. Puis pendus.

En octobre 1943, Jean Michel part pour Dora, c'est joli comme petit nom pour un camp dans lequel sur 60 000 prisonniers, 20 000 vont mourir…

Après le bombardement de Peenemünde, les recherches sur les fusées furent transférées à Dora, dans le massif du Harz, dans le centre de l'Allemagne.
Au départ, juste quelques tunnels, aucune vraie structure. Ce sont les déportés qui ont dû tout organiser. Pendant 6 mois, beaucoup ne sont jamais sortis du tunnel dans lequel ils travaillaient.

« La peur à Dora était le sentiment dominant : peur des coups, peur de la maladie, peur du froid, peur de la mort avant que celle-ci n'apparaisse comme une délivrance. »

La souffrance peut arriver à tout moment, parfois totalement gratuitement.
En plein hiver, les déportés peuvent être alignés dans la cour et arrosés d'eau froide « jusqu'à ce que la glace prenne ».
« Comme aucun d'entre nous n'avait moins de 40 degrés de température, les soins étaient parfaits ! », écrit Jean Michel avec beaucoup d'humour.
Les infirmiers font des piqures intraveineuses d'essence à certains pour les faire crever plus vite.
« Chacun, avec l'énergie du désespoir et les forces qui lui restaient, tentait de se défiler. »
Évidemment, on préfère toujours que ce soit les autres qui souffrent, c'est humain…

Jean Michel raconte qu'un sous-officier SS particulièrement cruel, s'apercevant qu'un déporté sait très bien jouer du piano, est capable de converser avec lui. Puis d'aller vite fait tabasser deux ou trois types avant de revenir s'émouvoir sur leurs familles respectives avec le détenu qui sait jouer du piano.

Un 14 juillet, les gars d'un Kommando décident de chanter « le chant du départ », y compris les russes qui ont le don de chanter en choeur. Bien sûr la distribution de coups atteint ce jour-là une rare intensité.

Un jour les SS décident d'organiser un bordel à Dora. Mais les déportés sont dans un tel état de déchéance physique qu'ils ne songent pas du tout au sexe. Ils ne vont donc pas au bordel.
Alors, les SS les y emmènent de force.
« Baissez vos pantalons ! Entrez ! » Dans l'ordre…
Puis ils gueulent de tout arrêter car l'eau ne fonctionne pas. Il n'y a pas d'hygiène…
Quand on sait que les déportés vivent dans une crasse sans nom, voire dans leur merde la plupart du temps.

Bien sûr ça ne laisse pas indifférent de lire tout cela. Jean Michel décrit les horreurs subies à de nombreuses reprises. Mais c'est fait toujours pour expliquer l'état d'esprit des prisonniers.
Cela répondait très bien à mes questions.

Jean Michel voulait surtout écrire ce livre pour faire connaître les horreurs des camps, certes, mais aussi pour faire prendre conscience de ce que nous sommes prêt à accepter (en fermant les yeux du moins) pour faire « progresser la science et la technique ».
Des fortunes sont investies dans la recherche sur les fusées, V1 et V2. Celles-ci sont les ancêtres des premières fusées à être parties dans l'espace.

Et surtout, des scientifiques qui ont collaborés avec les SS à Dora, sans pouvoir ignorer la condition des détenus, ont été gentiment accueillis ensuite par d'autres nations pour poursuivre leurs recherches. En premier Wernher von Braun



Comme nous sommes plein de préjugés :

« […]
Au vin d'honneur l'Kevin a tout de suite embrayé,
Sur son cabriolet qu'on venait de lui brûler
"Ceux qui mettent le bordel il faut les foutre dehors"
J'ai dit "et si ils sont nés ici, on les met où alors?"
Il a répondu "tu vas quand même pas me donner tort"
"On va pas parler racisme, on va pas être d'accord..."

Moi je sais pas grand-chose, et peu de trucs me font peur,
Mais si il y a un autre mariage de Kevin et ma soeur
Je passerai peut-être mon tour, j'irai peut-être au cinéma,
Même si c'est pour revoir Fast and Furious III
[…] »

(extrait de « Au mariage de Kévin et ma soeur », les Fatals Picards) :
https://www.youtube.com/watch?v=YUiE82joM-k&list=RDYUiE82joM-k&index=1
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