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Critique de Presence


Ben et son frère ainé Richie font leurs au-revoir à leurs parents ; ils se rendent à bord de la Ford Mustang de Richie à la résidence de vacances d'East Hampton (résidence de luxe) pour y travailler pour l'été. Dès cette scène, il apparaît que Richie a reçu tous les dons de la nature (stature physique, sportif accompli, et tout l'amour de son père) ce qui a une influence certaine sur le développement de sa personnalité. En parallèle, May et sa meilleure amie Mary font leurs au-revoir à leurs parents respectifs et voyagent par le bus pour se rendre à leur job d'été dans la même résidence hôtelière de luxe. Elles sont bien décidées à passer du bon temps. May (la rousse) a même chapardé une bouteille de bourbon dans la réserve de ses parents pour la descendre avec Mary pendant le voyage. Lors de la séance d'accueil de la nouvelle main d'oeuvre, Peter Howard Shelby (le propriétaire et patron) explique qu'il s'agit d'un établissement sérieux et mondialement réputé, et que sa femme et lui dispose de 30 années d'expérience qui leur permettent de juguler tout débordement. La première règle stipule que toute relation amoureuse entre employés est proscrite. Cela n'empêchera pas 2 couples de se former sous l'emprise d'hormones toutes puissantes. Et ces relations amoureuses se compliqueront par une tromperie franche et massive et un polichinelle dans le tiroir pour l'une des 2 demoiselles.

Avec cette histoire, Marvel et Millar frappent là où le lectorat ne les attendait pas. Marvel Comics (dans ses précédentes incarnations) avait régulièrement publié des histoires sentimentales à destination d'un public féminin. Cette tradition s'est perdue et la Maison des Idées (surnom donné à cet éditeur) avait évité ce genre pour ne pas brouiller son image. Elle avait ressuscité ledit genre pour une forme parodique dans Marvel Romance Redux (en VO). Et puis voilà que Marvel ressort l'appellation "Epic comics" (branche adulte des années 1980) pour ce projet très atypique. Pour corser le tout, Marvel suggère à Millar d'utiliser les prénoms des Parker (parents et oncles de Pater Parker), sans que leurs noms de famille ne soient mentionnés. Pour mémoire, à la même époque Mark Millar écrivait les 12 premiers épisodes de la série "Marvel Knights Spider-Man" (Le dernier combat), essentiellement illustrés par Terry Dodson. Enfin la quatrième de couverture promet une bonne dose sexe, promesse tenue (mais sans aucune nudité frontale conformément à la politique puritaine et hypocrite de l'éditeur).

Au-delà de la polémique infantile sur l'identité réelle des protagonistes et l'impact sur la terre 616, Mark Millar se livre à un exercice de style très périlleux : une histoire sentimentale, sans aucun superpouvoir à l'horizon et à peine un ou deux coups poings très anecdotiques, dans un marché essentiellement destiné aux adolescents de sexe mâle.

L'histoire commence de manière sympathique avec les 4 jeunes gens (Ben, Richie, May et Mary) définis chacun par 2 traits de caractères. L'arrivée dans le site de rêve se fait sans encombre, l'alcoolisme des jeunes femmes n'ayant aucune conséquence. Les règles de bonne conduite édictées sont claires et nettes et ne posent finalement aucune difficulté pour être contournées dès le premier essai. La fille qui couche dès le premier soir se révèle être la plus fidèle, et la plus timorée s'avère inconstante au mépris des conséquences affectives. Millar insiste bien sur le fossé qui sépare les clients riches, des employés pauvres. La jeune femme victime d'une grossesse non désirée se retrouve à vivre avec un prolo pour s'assurer un toit, en payant de ses charmes.

Comme à son habitude, Mark Millar n'hésite pas à inclure de nombreux éléments de natures diverses pour maintenir l'intérêt du lecteur. Mais à la fin de ma lecture, j'ai eu un sentiment d'insatisfaction dérangeant. À mes yeux, l'histoire de ces 2 jeunes femmes ne dépasse pas le fait divers. Millar aligne les scènes de sitcom, sans aucune profondeur psychologique ou sociale. Il y a bien une grossesse non désirée qui implique pour la jeune de femme de se mettre à la colle avec un individu qu'elle trouve repoussant. Mais il n'y a aucune logique psychologique dans cette action. Elle semble juste avoir renié toutes ses convictions morales et religieuses ; du jour au lendemain elle vit en couple avec cet homme pour lequel elle ne ressent rien (même pas de la répulsion), pour le gîte et le couvert, juste en partageant son lit toutes les nuits. Ce comportement contredit de manière absolue le maigre profil psychologique dressé au début de l'histoire.

Millar ne s'intéresse jamais aux motivations psychologiques de ces personnages. le lecteur est prié d'accepter le comportement de la jeune femme qui couche dès le premier soir, sans discuter, sans chercher dans son histoire personnelle. le récit s'appuie sur le principe du "c'est comme ça". D'un autre coté, quand Millar s'attaque à des motivations comportementales, la simplicité du schéma est telle (la rivalité entre les 2 frères) que c'en est risible.

Pour illustrer cette suite de scènes à prendre comme elles viennent, Millar bénéficie des illustrations magnifiques et débordantes de séduction de Terry Dosdson, encrées par sa femme Rachel. Ce tandem s'est spécialisé dans un style épuré fortement influencé par les pin-ups des années 1950. le résultat constitue un régal pour les yeux, avec des courbes douces pour les femmes, des peaux satinées, des lèvres pulpeuses, un coté enfantin et mutin. La mise en page est simple et claire, la gestuelle est éloquente. Leurs illustrations sont mignonnes et charmantes, avec ce qu'il faut de sophistication. Mais cet aspect bon enfant semble en opposition avec la gravité des situations et désamorcent l'aspect dramatique du récit.

Je n'ai pas du tout saisi l'approche de cette histoire dramatique qui place ses personnages dans des situations scabreuses, où ils changent de valeurs morales comme de chemise. Chacun semble être le jouet de ses hormones et d'une forme de destin facétieux peu clément, mais finalement indolore. Les illustrations sont très agréables à contempler, mais leur style est déphasé par rapport au ton du récit.
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