AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de CatchMe


Contre toute attente, je me suis régalée. Oui, j'ai aimé !
Pourquoi, moi qui ne suis pas franchement portée sur les histoires pornographiques, j'ai malgré tout pu lire ce texte ? C'est simple ! La puissante énergie vivante qui s'en dégage.
(Et ma maturité aussi, certainement, sourire).
Ce type est un jouisseur pur et dur ! Aucun doute là-dessus ! (quand même marié 5 fois l'énergumène). Il adore la vie et tout de la vie, absolument tout. D'ailleurs, il le dit lui-même à la fin de l'ouvrage par l'intermédiaire de son lui « fictionnel ».
Mais il l'adore à sa façon, sa façon débridée de pur animal instinctif.
On sait que pour les animaux, le bien, le mal, çà n'existe tout simplement pas.
Et qui a déjà vécu avec ou fréquenté un individu de sexe mâle, est en général immunisé contre leur obsession du ‘chose' comme il dit, le salace, la lubricité et l'obscénité, le graveleux bien graisseux. Le pipi caca typique des mâles on connaît, au bout d'un moment on a l'habitude. On sait qu'on moque, on charrie la chair, parce qu'on a conscience d'en être et de ce qu'elle est ; d'en être dépendant, prisonnier. On la moque parce que cela nous débecte d'y être asservi de cette manière, comme de vulgaires bêtes, incapables de se détacher de leurs instincts.
- - - - -
Mais finalement, dans ses scènes de ‘sexe', il reste dans du pornographique assez classique. Il s'offre la jouissance de la réalisation des fantasmes masculins les plus banals, c'est à dire en majorité et en général, une domination totale sur des objets de concupiscence, sur lesquels ils reportent de façon simpliste ce qu'ils sont eux et leur propre vision et vécu des choses ; en gros comme en détail, toutes les nanas sont des « chaudasses » qui n'attendent que çà et eux, il leur suffit de mettre leur tuyau à pisse dans un trou pour faire grimper au plafond n'importe quelle 'conne'. C'est valorisant pour eux, çà flatte ce qu'ils considèrent comme leur « virilité », centrée autour de leurs organes génitaux, mais ce n'est pas très réaliste, ni crédible. Et à mon avis, c'est là qu'on trouve le plus de fiction et le moins d'autobiographique.
- - - - - -
Toutefois, dans ce texte, on sent qu'il s'est fait plaisir, qu'il a pris son pied.
Et de toutes les manières, c'est le cas de le dire.
C'est … pff ! Plantureux, copieux. Crise de foie assurée (sourire).
Un gueleton gargantuesque ! Rabelaisien !
- - - - -
Dans ce premier volet de la crucifixion, on assiste à la mise bas de Miller par Miller. Miller écrivain sortant de Miller l'animal, obsédé sexuel et érotomane compulsif, comme un Alien lui crevant la poitrine et déchiquetant la viande à grands coups de crocs rouillés en dents de scie. Portrait d'un porc priapique, épique ! Dégénéré typique, « s'embarquer dans l'aventure charnelle » dit-il, donc « dans la démence», si on suit son raisonnement.
- - - -
Au début, le tableau qu'il nous brosse de lui-même est celui d'un raté de base comme notre société actuelle, dite ‘humaine', en fabrique par milliers. Le parcours habituel. Il saute par-dessus les illusions des débuts et passe directement à l'amertume sur les rêves qu'on a dû laisser crever, désillusion de n'avoir pas accompli quelque chose de grand et résignation. Job de merde exercé par défaut, faute de mieux et pour survivre, et vie de merde à l'avenant qui s'épuise en longueur. Sauf que lui, il a maintes fois l'occasion de faire mieux mais il ne préfère pas. C'est pourtant un exalté, un passionné ; il est dans l'expression spontanée et enthousiaste des choses, il réagit au quart de tour, bourré d'énergie vitale, mais il est aussi et clairement un ‘glandeur' (du point de vue de la société productiviste, s'entend) très actif et un jouisseur qui s'assume complètement, conscient et heureux de l'être. Alors qu’il est encore marié, il rencontre Mara, une "poufiasse" à l'équivalent, ratée de base elle aussi, qui vivote dans un job de merde qui ne dit pas ouvertement son nom, mais on sait à quoi s'en tenir. En effet, elle bosse dans ce qui est pudiquement appelé un « dancing », autrement dit, à l'époque et dans ce New-York là, un bordel déguisé qui sous couvert de faire danser le « pecno » pratique d'autres activités ludiques (pour pas dire lubriques ;) et rémunératrices.
Bref, leur libido débridée les fait s'agripper l'un à l'autre comme deux damnés bestiaux sur le radeau de la méduse et ils se mettent à la colle. Lui, çà ne lui pose aucun problème de partager la femme, qu'il dit ‘aimer' avec moult et plus d'un ‘admirateur' ; il va peu à peu glisser ‘macro' comme une anguille, sans heurts et sans bruits et sans s'en apercevoir ou même s'en émouvoir, un souteneur quoi. Mais il faut dire que c’est elle qui se propose et lui qui dispose. ( heu… Oups ! Là j’anticipe un peu, j’ai malheureusement commencé par le second volet, Plexus). Toutefois il faut préciser qu'il a une définition bien à lui de « l'amour » et du verbe ‘aimer'. D'ailleurs, il traite les femmes qu'il prétend « aimer », exactement comme les autres, comme de la viande qu'il trouve appétissante. Et souvent, dans ses descriptions de copulations, ce ne sont pas des femmes qu'il décrit, mais des morceaux de corps, comme un dépeçage en règle façon Hannibal Lecter. Il y a effectivement quelque chose de la dévoration et du cannibalisme dans son attitude. Il dévore la vie, sa vie, et celle des autres comme un vampire. La greluche, aidé en cela par tous ses potes et connaissances qui poussent dans le même sens, lui met dans le crâne qu'il est destiné à écrire et celui-ci se monte le bourrichon et finit par y croire dur comme fer. On suit alors leurs tribulations dans la ville ; deux cloches paumées avec une ribambelle de fondus du même calibre qui gravitent autour d'eux, et qui passent tout leur temps en beuverie, ripailles, arnaques en tout genre et coups tordus pour survivre.
Bouffe, alcool et « sexe » à gogo, enfin… plutôt copulation animale que sexe ; recherche de fric facile - quels que soient les moyens ils sont bons - comme dans l'urgence et l'imminence d'une catastrophe, comme s'ils allaient mourir demain.
Le tout, dans une soumission absolue à tout ce qui fait notre animalité la plus brutale, sans fard et sans finesse, mais de façon si naturelle, si spontanée, presque naïve, qu'elle semble innocente et ingénue. Cela parait étrange de dire çà, ici et dans ce contexte ; mais après tout… est-ce qu'on en veut aux animaux d'être ce qu'ils sont et de se comporter selon ce que la biologie à fait d'eux ? Non ! Et même… on les aime bien en général (sourire).
- - - -- - - -
Au début du texte donc, nous avons affaire au « Bestiau » Miller pas encore à l'écrivain. Il se dépeint comme un simple spécimen qui gesticule parmi les autres au sein du cloaque qu'est toute grande ville ; et tout rassemblement de bipède hominidé en général. Il se livre pieds et poings liés à l'absurdité de l'existence de bête humaine pur jus et il n'y va pas de main morte, c'est le moins qu'on puisse dire. Ce n'est pas qu'il n'ait pas de volonté, car ce n'est ni un tiède, ni un frileux et quand il décide d'agir réellement il le fait, c'est simplement qu'il choisit de ne pas l'utiliser la plupart du temps, à part pour ce dont il a envie. Là encore, c'est la bête Miller qui s'exprime. Et il a décidé en toute conscience de fonctionner à l'instinct.
C'est donc avec un enthousiasme sans fards et un consentement total à la seule règle qui vaille dans ce pays là, c'est-à-dire qu'il n'y en a aucunes, qu'il se livre à l'occupation de survivre.
Mais sous la peau du jouisseur, se trouve un animal des profondeurs. Il se sent piégé entre être et devenir. Voilà un homme qui démarre mal dans la vie ; comme les plus nombreux d'entre nous. Seulement lui, suite au hasard d'une rencontre, il décide de secouer le joug sociétal, d'envoyer valser le jeu truqué dans lequel nous sommes tous embarqués, de s'extirper résolument de l'animalité ordinaire, pour s'élever et atteindre à la personne pensante, ayant son libre arbitre. Comme un boxeur, il monte alors sur le ring de la vie et frappe, frappe et frappe encore, comme le poids lourd qu'il est, jusqu'à s'étourdir, se saouler, s'imbiber de vivant, au propre comme au figuré et à tomber sonné, knock-out.
-- - - -
Reprendra-t-il connaissance, tout fripé, englué et vagissant dans la peau d'un écrivain ?
Seule la lecture de la suite vous le dira ! (sourire)
Commenter  J’apprécie          120



Ont apprécié cette critique (7)voir plus




{* *}