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Critique de thedoc


Fin 19e siècle. Célestine, femme de chambre parisienne, vient occuper un poste de domestique auprès de la famille Lanlaire, dans un bourg de la campagne normande, le Mesnil-Roy. A coup de flashbacks, Célestine nous fait partager ses souvenirs qu'elle consigne dans un journal. Sous sa plume, la société des nantis et des maîtres petits-bourgeois nous est décrite dans toute sa bassesse et ses vices. C'est que Célestine n'en est pas à son premier poste et à ses premières désillusions sur la nature humaine des riches personnes qui l'emploient. A travers une galerie de portraits, présents et passés, la servante nous dépeint des situations cocasses ou sordides, sulfureuses ou nauséabondes. Une seule certitude demeure pour la servante : « Si infâmes que soient les canailles, ils ne le sont jamais autant que les honnêtes gens ».

Pour ma part, la certitude qui ressort en terminant ce livre d'Octave Mirbeau, est qu'il ne faisait pas bon être femme et être pauvre dans la société de cette époque. Les femmes employées comme domestiques ne se faisaient guère d'illusion : elles savaient qu'à un moment ou un autre, elles devraient se soumettre à l'appétit sexuel de leur maître… ou se faire renvoyer. Célestine, plus avertie que naïve, prend cet état de fait de manière pratique et, également par sentimentalisme, elle se montre compatissante vis-à-vis des ardeurs de ses maîtres. Elle accepte mais demeure cependant lucide sur sa situation en général : « On prétend qu'il n'y a plus d'esclavage… Ah ! voilà une bonne blague, par exemple… Et les domestiques, que sont-ils donc, sinon des esclaves ?… Esclaves de fait, avec tout ce que l'esclavage comporte de vileté morale, d'inévitable corruption, de révolte engendreuse de haines. »

Véritable réquisitoire contre les moeurs bourgeoises, le monologue de cette femme de chambre autant avertie qu'impertinente dévoile également une domesticité manipulatrice et envieuse. Car finalement, tout en dénonçant l'hypocrisie, l'injustice, la cruauté et les turpitudes d'une classe sociale établie, les domestiques ne souhaitent pas forcément plus d'équité … mais juste se retrouver à la place de leurs maîtres.
«Le journal d'une femme de chambre » est un récit profondément réaliste, un roman social où Octave Mirbeau a exprimé tout son écoeurement de la société de son époque où maîtres et servants se rejoignaient sur le plan de la vilenie. Si le sujet n'est guère joyeux, le style n'en demeure pas moins vif et alerte. C'est féroce et désespérant, tout en étant drôle.
Encore un « classique » qui transcende les époques.
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