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Critique de hcdahlem


Petit recueil d'écologie poétique

Publié dans son pays d'origine en 1984 et déniché par les éditions Rue de l'échiquier, ce premier roman de Klaus Modick est un étonnant mélange d'érudition scientifique et de poésie. Une écofiction remarquable.

C'est par l'intermédiaire du frère de son auteur, Franz, que le manuscrit de ce curieux livre est parvenu jusqu'à son éditeur, du moins si l'on en croit la «Note préliminaire de l'éditeur». Un texte qui nous donne aussi l'occasion de faire plus ample connaissance avec le personnage au coeur du roman, Lukas Ohlburg, un botaniste passionné et les circonstances de sa mort: «Mon frère était étendu devant son bureau, dans un état de légère décomposition dû au haut degré d'humidité qui régnait dans la maison. Curieusement, des mousses étaient apparues sur son visage, en particulier autour de sa bouche, de son nez et de ses yeux, ainsi que dans sa barbe.»
La mousse comme une sorte d'obsession pour Lukas Ohlburg qui a pris soin de barrer le titre prévu pour son livre de la critique de la terminologie et de la nomenclature botaniques et de le remplacer par Mousse. On dira qu'il a bien fait, à la fois pour s'ouvrir à un lectorat plus large et parce que la quasi-totalité du livre va traiter de cette espèce botanique particulière qui va l'accompagner jusqu'au-delà de la mort. Cette mousse qu'il trouve au bord du lac qu'il a pris l'habitude de traverser à la nage. Une activité qui n'est pas sans risques à son âge, mais qui lui permet de réfléchir et d'observer.
La mousse, c'est aussi cette plante qui s'est installée sur les tuiles du toit et que son frère aimerait voir disparaître. Aussi a-t-il mandaté un artisan pour procéder au grattage et au nettoyage du toit. Il sera finalement congédié par le scientifique avant d'avoir fini, car cette tâche lui était devenue trop pénible à supporter. C'est parce qu'elle le ramène à un traumatisme d'enfance, quand la famille venait s'installer là pour les vacances. Tandis que sa mère nettoie la maison et que le père retrouve les habitants à la taverne, les enfants doivent nettoyer le chemin à la brosse: nous «grattions la mousse jusqu'à ce que nos mains nous brûlent et que notre dos et nos genoux nous fassent mal, afin que notre père, à son retour, puisse depuis le léger brouillard de schnaps et de bière où il se trouvait dire ce qu'il disait toujours: Voilà. Là, on peut vivre.»
Pour le vieil homme qu'il est aujourd'hui, on peut vivre avec la mousse. C'est d'ailleurs désormais sa mission, vivre avec la nature, dans une sorte de communion. Un ascétisme qui ouvre son esprit, qui éclaire ses observations. Il comprend alors les limites de la science, celle qui nomme et celle qui classe, et se rapproche du vrai, de l'authentique, à savoir les sensations et la poésie. Entendre une bûche crépiter dans la cheminée, observer la mousse qui colonise les endroits les plus insolites, sentir les odeurs et la vibration du soleil sur ses yeux clos... le vieil homme a compris que ce manuscrit sera son testament, alors il dit tout de sa vie, de ses recherches, de ses doutes, mais aussi de la chance qu'il a à faire partie de ce cycle de la vie. Alors quand la mousse s'installe dans sa barbe, il est heureux. le bonheur est vert.


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