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Critique de Sarindar


Célébrons la beauté.

Chaque poète, chaque poétesse a son style, à nul autre pareil, et il est vain de faire des comparaisons.

C'est le deuxième recueil de Safia Moghladj que je lis - et pas forcément dans l'ordre de publication, et conquis par le premier, je ne pouvais que repiquer.
En retenant mon souffle, car, fort de ma précédente lecture, je pressentais déjà que le dernier souffle allait me laisser un petit moment sans... voix (avouez que c'est à "souffle" que vous vous attendiez plaisamment).

L'auteure se défendra peut-être de cela, et pourtant, elle qui est encore jeune, nous a donné là un écrit de Sagesse.
Lisez et relisez chaque poème, vous ne trouverez ici que "morale de l'histoire" ou que belle leçon à tirer de tout ce qui s'y trouve. Il est des êtres qui n'ont pas besoin d'atteindre le "vieil âge" pour avoir cette maturité tirée de l'expérience (expérience des choses et réflexion appliquée à ces choses avec raison et avec coeur).

Des mots reviennent, d'un poème à l'autre, comme des leitmotive? chargés de sens et de beauté : soleil, eau, pluie, désert, souffle, temples, flèches, amour, souffrance, liberté, espoir, poète et SAGE, pour n'en citer que quelques-uns.
Ils ne donnent lieu à aucune redite et leur utilisation n'est en rien le résultat d'une recherche ou le fruit du hasard, car ils prennent un sens différent à chaque fois selon la place qu'ils occupent. C'est du sucre pur, un miel divin, et c'est aussi un texte philosophique mais sans prétention.

Du Sanglot d'un orgue, où les marchands-colons qui se piquent de religion donnent vraiment l'impression d'avoir trahi leur Dieu, à l'hommage à Charles Baudelaire qui clôt ce cycle, la poétesse nous place sur les rivages opposés de la Méditerranée, du nord au sud ou de l'ouest à l'est, ou dans l'autre sens, pour que nous osions enfin nous regarder avec amour. le Moyen Âge occidental et oriental y a aussi sa place, car il s'agit de pleurer des erreurs humaines et de louer les humains quand ils ont su produire du beau en pensant viser le bon (en peu de mots, nos enluminures célébrées par Safia Moghladj le sont de manière plus profonde et plus colorée qu'en beaucoup de livres d'art).
On y respire les odeurs pregnantes et fort épicées de l'Orient.
En entendant le doux bruissement des Peupliers de l'Euphrate. En plongeant notre regard dans ce fleuve grossi des larmes d'une femme pleurant ses morts. En nous rappelant Bagdad au temps de sa splendeur, paradis perdu. En admirant de nos yeux bien ouverts "les lueurs brillantes de l'aurore". En suivant le rituel de l'amour comme on entrerait dans la danse.

En choisissant l'humour pour supporter les drames et la patience pour attendre que les choses se recomposent, avec ou sans l'aide de l'humain, souvent si malhabile, si maladroit. du pire au bien, si seulement... Ne parlons pas de meilleur.
Certains arrivent à se tenir à demeure dans la maison de la sagesse, bien que cela ne soit pas toujours de la plus grande facilité, tandis que d'autres s'obstinent à choisir pour compagnes la guerre et ses oeuvres mortelles, attirés par les profondeurs d'un gouffre qu'ils regardent comme leur but. Et la guerre, justement, voudrait détruire la maison de l'esprit et du partage des connaissances. Quel homme ou quelle femme, faisant taire les canons, redeviendra l'être qui rêve de paix et d'amour, sur la Place de la Liberté ? Qui versera les larmes purificatrices pour redonner au monde sa virginité ?

Ce rêve intérieur [...]
réveille, dans la douceur,
la bonté et la grandeur,
qui se cache au fond du coeur
de celui qui pleure.

La lutte s'impose bien, pacifique ou pas, contre les briseurs de rêve, contre les ennemis de la vie.

Qui enseigne : le maître ou l'élève ? Les perles de Maître Habib, dans Les joies du soir, nous font nous poser la question.

Chant d'espérance : l'humain porte en lui un rêve, à condition que l'utopie du possible ne devienne pas l'arme de la tyrannie. Prière pour que refleurisse dans un paradis perdu les fleurs de la félicité. En cette vie, s'il n'y avait l'accueil par des bras ouverts, des mains offertes, d'un cercle à l'autre, nous n'oserions sauter le pas, franchir les obstacles. C'est donc ici bas, tout simplement, la ronde de la vie et de la mort, qui n'est que passage. Ne l'interrompons pas dans son cours naturel. Ah! si les humains parvenaient définitivement à abandonner l'idée de guerre et les armes pour la faire.

Les rêves et l'espérance
d'un empire sans défense

Elle et lui
Se refaire une vie en commun, un destin après le chaos engendré par la guerre. À deux.

Parlez-moi d'amour
On se nourrit du miel de l'amour reçu pendant l'enfance.
Bienheureuse Safia qui a reçu cela, et en prime cette langue dont elle porte haut les couleurs par ses poèmes.
Chante et prends ta lyre.







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