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Critique de CeCedille


En ouvrant le livre, quelques indices sont attirants. L'incipit sonne comme du Joseph Conrad : " Au début du mois de juillet 1923, la présence du Roi-Arthur dans les ports de la Manche fut signalée par des navigateurs, et nous nous attendîmes à son arrivée prochaine dans la baie de Lesguivy". L'épigraphe est d'ailleurs tirée de "Jeunesse", du même Conrad. Le Roi-Arthur est un cotre à tape-cul sur lequel le narrateur, Hervé, qui est aussi le protagoniste, va embarquer comme matelot pour faire le coup de poing contre les Anglais qui entendent occuper quelques ilots anglo-normands au statut incertain. Tempêtes, trafics, évoquent d'ailleurs les aventures marseillaises de Conrad, y compris l'admiration pour le capitaine corsaire .
Récit d'apprentissage, aussi, pour ce jeune bachelier, orphelin de ses deux parent, noyés après le chavirage de leur barque lorsqu'il avait neuf ans. Plaçé dans une école religieuse, il est endoctriné par les théories nationalistes et indépendantistes bretonnes d'un prêtre dénommé le Grand-Foc, pour amariner un récit qui se permettra toutefois quelques escales terriennes, le temps pour le jeune homme de faire, cet été là, de multiples conquêtes féminines, conformément à la loi du genre romanesque. Il fait aussi aussi l'expérience de la Justice et de la geôle, aussi maritime qu'un cimetière peut être marin.
On aura deviné que l'auteur appartient au cercle très fermé des "écrivains de marine", avec un tropisme avoué pour la vieille noblesse bretonne style Pontcallec, le chic anglais, avec moustache, tweeds, chaussures patinées, pubs & manoirs. A la clef, des études de droit qu'on rêve de quitter pour la littérature...
On s'embarque sans déplaisir dans cette aventure, parue en un temps où le genre était banni. Michel Mohrt navigue à contre-courant du nouveau roman ! Il interpelle directement son lecteur, l'entraine dans de bavardes digressions, cite des auteurs inattendus (Benjamin Constant, Samuel Pepys , Fernando Pessoa) pour mieux renouer les fils d'un récit tissé de son imagination et de ses souvenirs de jeunesse.
L'apprentissage est souvent celui des causes perdues. C'est derrière le drapeau (et quelques idées) de Jacques Perret que pourrait se ranger Michel Mohrt, la verve maritime en moins. On songe aussi à Jean Raspail, et pas seulement pour la fraternité de la moustache. Ces auteurs s'inscrivent dans le même monde d'antan, d'honneur, de défis, d'amitiés viriles, de complots aussi, qui caractérise une certaine droite chouanne, rebelle à la Révolution et à la République. Grognards, hussards, sont leurs cousins, sinon leurs frères. Sans doute l'auteur prend-il quelques prudentes distances, comme il l'a fait dans sa vie lors des temps difficiles, s'éloignant vers l'Amérique dont il a su apprécier et faire connaitre à son retour les meilleurs auteurs.
La prison maritime ait été couronnée en 1962 du Grand Prix de l'Académie française. Les amateurs de roman d'aventures et d'apprentissage y trouveront leur compte.

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