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Critique de nilebeh



Les notaires n'ont certainement pas l'habitude d'accorder cinq rendez-vous en cinq jours à une héritière qui vient régler la succession de sa mère. Encore moins d'écouter des heures durant l'héritière en question déverser des tombereaux de souvenirs, réveiller des émotions pas encore apaisées, poser des questions qui ne s'adressent qu'à elle-même.

Il faut dire qu'il s'agit ici d'une héritière pas tout à fait comme les autres : fille de Lilas, petite-fille de Marguerite, héritière d'une lignée de filles-fleurs ou de garçons-arbres pour la branche maternelle, les Faure. Et de richissimes joailliers polonais émigrés aux USA pour fuir les nazis et les antisémites polonais, les Silberstein devenus Silver, côté papa.

Rude hérédité : des enfants sacrifiés côté juif depuis la nuit des temps, des enfants qui meurent à raison d'une fille par génération côté fleurs. de quoi refuser de mettre une fille au monde...Car Daffodil (jonquille, en français), découvre après la mort de sa tante Rosa, l'alter ego de sa propre mère Lilas, que Marguerite, sa grand-mère, a été amputée de sa jumelle à la naissance. Et remontant le temps, on découvre cette sorte de malédiction qui s'acharne sur les filles au nom de fleurs.

Dans le bureau du notaire, devenu psy malgré lui, Daffodil réécrit son histoire, essaie de l'ordonner, tente désespérément de comprendre la douleur de sa mère, devenue « soeurpheline » à la mort de Rosa. Au point de ne plus vouloir entendre parler de sa petite Daffo. Au point, un jour, de tenter de se pendre. Dévastée par le « secret » que sa soeur ne lui a jamais révélé mais que tous les amis du couple connaissent. Sentiment de trahison, d'abandon renforcé par la découverte, incompréhension, fin du monde, fin de tout : ces deux-là avaient une relation si forte qu'elle effaçait le monde.

Pour tenter de cicatriser la douleur et combler le vide, Lilas entreprend d'écrire la vie de Rosa, dans tous ses détails, au point qu'il faille exactement 26 ans, 97 jours, 16 heures et 30 minutes pour lire le tout : la durée exacte de la vie fauchée de Rosa. Mais cela ne suffit pas à faire revivre la morte. Alors on crée un « prix » Rosa, dans une fondation « Rosa » qui suscitent des oeuvres artistiques dédiées à l'esprit-Rosa. Puis un centre de recherche médicale Rosa, pourquoi pas une langue Rosa ? La folie du désespoir n'est pas loin...et Lilas oublie de vivre, oublie sea petite Daffodil, tout à sa passion morbide. Impressionnant, inquiétant, navrant.

Et Daffodil, toute consciente de l'immense douleur de sa mère qu'elle soit, doit elle faire le deuil du lien charnel qui unit une fille à sa mère, du lien générationnel indispensable, celui qui fait qu'on veut encore et encore poser des questions à celle qui détient une partie de notre histoire, la dernière à pouvoir nous raconter notre enfance, celle qui, disparue, nous laisse en première ligne dans la ligne de mire de la mort.


Un beau livre, grave et douloureux sur la mort, le deuil impossible, le souvenir, vrai ou frelaté. Un travail de reconstruction de la mémoire, la recherche d'une vérité, la recherche de l'acceptation et un chemin vers l'apaisement.
Ne pas oublier la recommandation ultime du grand-père de Daffodil : On n'a qu'une vie, il faut la vivre.
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