S'il fallait lire deux essais de
Montaigne ce seraient ces deux-là: pas une ride!
Quelle clairvoyance, quelle prescience des catastrophes à venir, quelle vigoureuse ironie et quelle vibrante indignation! La colonisation et le fameux "choc des civilisations" fantasme commode pour l'exploitation de l'une par l'autre -devinez lesquelles- y sont abordés à l'occasion d'une ambassade de
Montaigne auprès de ces fameux cannibales et d'une méditation sur les dégâts irrémédiables -déjà- des conquistadores, plus tard évoqués par Hérédia "comme un vol de gerfauts hors du charnier natal"...
On est loin du mythe du bon sauvage de notre Jean-Jacques, idéaliste et un peu naïf, qui donnait envie à qui le lirait de "marcher à quatre pattes", disait cette peste de
Voltaire.
La sagesse, la culture, le raffinement des civilisations amérindiennes ne le laissaient en rien à leur courage, ni à leur droiture. Culturellement et moralement, ils éclipsaient largement leurs futurs vainqueurs. Ce sont seulement la poudre et les balles qui ont prouvé leur "supériorité" sur ce nouveau monde à qui nous n'avons pas laissé la moindre chance de revigorer notre vieux monde perclus et corrompu. S'en suivra un déséquilibre que nous n'en finirons pas de déplorer. mais il sera trop tard: le mal sera fait, nous dit en substance
Montaigne.
La fin des "Coches" - quand, sous les coups de feu des conquistadores, s'effondre au sol le "coche" humain des guerriers portant sur leurs épaules, en pleine bataille de Cusco, leur dernier roi, je n'ai jamais pu la lire à haute voix: ma voix s'étrangle.
D'émotion, d'indignation.
Lire
Montaigne devrait être obligatoire, ordonné par la loi, remboursé par la sécurité sociale, comme une vaccination contre la bêtise, la violence à front de taureau et l'intolérance ordinaire.