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Critique de michfred


Il partage la même judéité tourmentée, le même goût pour les marges, la révolte et la provoc', le même compagnonnage douteux avec les gangsters et les braqueurs,   le même destin violent et la même mort crapuleuse et précoce que Pierre Goldman.

Ils avaient tous deux, l'un dans l'écriture, l'autre dans le dessin, des dons insensés qu'ils n'ont pas eu le temps de pousser plus loin...


L'exposition Stéphane Mandelbaum qui vient d'ouvrir au centre Pompidou c'est , en version graphique, " Souvenirs obscurs d'un juif polonais né en.. .Belgique" , pour paraphraser le titre célèbre des mémoires du regretté  "Pierrot". 

Époustouflant !  Décoiffant! Déstabilisant!

Stephane Mandelbaum : un coup de crayon à peu près aussi virtuose, dans son genre,  que celui de Rembrandt, mais un Rembrandt qui aurait adoré Bacon, admiré  Basquiat,  et qui se serait avant tout cherché,   avec ses "crabouchas" comme il disait , des frères, des pairs-des pères?- des héros..

De "sombres héros de l' amer" façon Noir Dez', en tous les cas..Jusqu'à prendre pour "modèles"...à ses croquis, - scandale pour le petit-fils de Szulim , pour le fils d'Arié Mandelbaum - , le vociférant Goebbels et le fuyant Rohm...

Fils d'Arié Mandelbaum, donc, peintre et directeur de  l'École des Arts plastiques et visuels d'Uccle, et de Pili Mandelbaum,  illustratrice arménienne, Stéphane est un élève agité et gravement dyslexique. Il est  placé dans une école alternative de Charleroi, le Snark,  qu'il quitte à quinze ans pour l'Académie de dessin et des arts décoratifs de Watermael Boitsfort , à Bruxelles,

 Après quelques voyages en Italie,  une fréquentation assidue du musée des Beaux-arts ...et des abattoirs de Bruxelles, il entre, à 18 ans, dans l'école que dirige son père, pratique la boxe et, sous la houlette de son grand-père,  Szulim,  qui a fui les pogroms polonais en 1920, apprend le yiddish et s'intéresse à ses origines juives.

Il épouse en 1984 une jeune immigrée congolaise, Claudia, hante le quartier "black" de Bruxelles, "Matongué", fait plusieurs expositions, et se lance dans un trafic d'art africain qui le conduit à participer à deux cambriolages, au moins.  

"Il avait besoin d'immédiateté, de se sentir vivre à la pointe du temps, sinon à la pointe du revolver. Ce qu'il cherchait, il l'obtenait par la densité émotionnelle des braquages, des risques autour desquels sa vie, désormais, s'organisait en idée fixe" note Gérard Preszow, son voisin et ami des dernières années.

Le dernier braquage, celui d'un tableau de Modigliani, La Femme au camée, à une octogénaire d'Ixelles lui sera fatal. En decembre 1986, brusquement,  il disparaît. On retrouve  son corps dans une anfractuosité rocheuse près de Namur : pas une mort accidentelle, une mort violente -coups, balles, jets d'acide- .. Stephane a été assassiné par le commanditaire du vol du Modigliani. Il a 25 ans.

Le catalogue de cette exposition coup de poing à Beaubourg est très reussi: une qualité de papier rare, avec un joli grain,  seyant particulièrement au dessin, et des articles bien mis en valeur tant par leur graphie que par leur mise en relation avec les tableaux exposés, des citations,  mises en exergue hors corpus,  qui soulignent des "fraternités " artistiques,  picturales - Francis Bacon- , littéraires- Rimbaud, Pierre Goldman-   cinématographiques- Pasolini-.

Un coup de crayon magistral à découvrir et un personnage border line, fougueux et ténébreux,   tout aussi hors norme que son oeuvre trop brève. 
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